Archives de catégorie : Publications

Son dernier saut – Marie-Paule Eskénazi

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Son dernier saut est une pure invention à partir d’un fait divers tragique qui a naguère impressionné l’opinion : une parachutiste a été condamnée à trente ans de prison pour meurtre, accusée d’avoir saboté le parachute de sa meilleure amie et rivale.
Marie P., journaliste professionnelle, reçoit un énigmatique courrier qui apporte une réponse totalement imprévisible à ce « sabotage amoureux ». Intriguée, elle va s’improviser enquêteur pour tenter d’authentifier l’auteur de l’envoi et comprendre ses motivations, puis confronter les révélations aux faits pour aboutir à un dénouement inattendu.
Disponible chez votre libraire à la mi-février

Les premières lignes
Ciel bleu, température de saison, 18 à 21° le matin, pouvant atteindre 25° cet après-midi au centre du pays. Vent faible. Attention, nuit froide…
J’écoutais la radio d’une oreille distraite. Il était six heures du matin. La nuit était claire. Étendue sur mon lit, je voyais le ciel bleu par l’espace entrouvert entre mes tentures mal fermées. Un dimanche ordinaire commençait. En congé, j’avais l’intention de passer à la rédaction pour boucler un dossier. Je prévoyais de glander, un terme que mes enfants m’avaient appris à apprécier et pratiquer !
Après le bulletin météo réjouissant qui devait sans doute plaire au secteur touristique, s’égrenaient les titres du journal. Politique nationale, internationale : les évènements ne s’étaient pas bousculés pendant la nuit. Je repensai à cette perspective de nuit froide en plein mois d’août. Normal, me dis-je, puisque le ciel est bleu, pas de vent, pas de nuage, et donc toute la chaleur accumulée par la terre pendant la journée va s’échapper vers le ciel. Au petit matin, avant que les rayons du soleil soient suffisamment hauts pour réchauffer la terre, il fera frisquet ! Les notions de météo apprises durant mon écolage de pilote privé me revenaient à l’esprit. Ma passion pour l’aviation, à laquelle j’avais consacré temps et argent pendant des années pour mon plus grand plaisir, s’était éteinte avec l’accident mortel de mon frère, aux commandes d’un planeur.

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Benny, Samy, Lulu et autres nouvelles – Geneviève Damas

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Douze nouvelles, douze trajectoires de vie, douze moments où des êtres atteignent leur point de rupture. L’occasion de regarder les choses en face et, pourquoi pas, de prendre une trajectoire inexplorée, d’affronter ce qui fait peur, de larguer les amarres.
Élisabeth quitte précipitamment une réunion de famille pour aller acheter du wasabi, ‘Ma trottine le long d’une grand-route avec Benny, Jonas est sous l’emprise de son chat, Alice choisit d’enfoncer ses talons aiguilles dans la neige, Samy cherche quelqu’un à qui parler, un jeune professeur de français défend un projet théâtre face à un conseil de classe… Tour à tour, ces personnages prennent la parole, à leur manière, l’occasion de murmurer une vérité qui jamais n’a été dite.
Par l’auteur de Si tu passes la rivière, Prix Rossel 2011 et Prix des Cinq Continents de la Francophonie 2012
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Les premières lignes
«J’ai oublié le wasabi.» C’est ça que je leur ai dit : «J’ai oublié le wasabi, je cours chez le Japonais du coin de la rue et je reviens.» Ma mère a froncé les sourcils, «Tu es d’une distraction, Élisabeth, franchement.» «Je sais, je ne serai jamais bonne à marier, M’man. Bon, si vous mourez de faim, vous n’avez qu’à ouvrir le frigo, les zakouskis vous attendent sur la deuxième planche, pour les curieux, le gâteau est dans le bac à légumes.» Jean-Paul a souri. Et j’ai tourné les talons.
Évidemment que je l’avais acheté, le wasabi. Je pouvais vraiment leur faire gober n’importe quoi. Le wasabi, c’est ce qui me réveillait mieux que le café le matin et me tirait de l’abrutissement le soir. Seulement, ce jour-là, alors que depuis un mois je m’étais préparée à l’idée de cette soirée, « Ça peut être agréable, une famille », à l’image de ma mère déballant son cadeau d’anniversaire, à ses remarques cinglantes « Encore un livre, c’est original », au regard adipeux de Victor, le beau-père, toujours prêt à promener ses mains sur ma nuque et mes épaules « Détends-toi, Élisabeth, tu es si tendue », au sourire triomphant de ma sœur « Je ne me suis jamais sentie mieux qu’enceinte » et à la mine fatiguée de Jean-Paul, le beau-frère, quand je les ai vus arriver sur le palier, s’embrasser, se réjouir de cette soirée, parler de leurs vacances, du bébé, j’ai su tout à coup qu’il me faudrait prendre l’air, sortir quelques minutes, sous n’importe quel prétexte. Et le wasabi est le premier que j’ai trouvé.

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Passé simple – André Sempoux

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Fabuleuse, onirique, étrange, historique, triste, allègre, ou, comme dans la vie, tout cela à la fois, la nouvelle voudrait, les soirs d’une semaine, alléger par le plaisir de son architecture narrative et de son peu de mots les peines réelles et pensées parasites qui sont notre lot d’humains.
André Sempoux est romancier (Torquato, 2012, Dévoration suivi de Nuit blanche, 2013), poète et essayiste. Il a reçu en 2007 le prix Italiques et en 2010 le prix Alix Charlier-Anciaux, de l’Académie, pour l’ensemble de son œuvre de fiction.
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Les premières lignes
Rixensart
Dans l’espoir de me faire pardonner la goujaterie de samedi, laissez-moi, Madame, vous en raconter une autre, qui prit allure de feuilleton ; à fin heureuse, je vous rassure.
Plus de huit ans après la première guerre, l’épouse d’un professeur italien qui n’en était pas revenu reconnaissait son mari dans un amnésique dont la photo avait été publiée en désespoir de cause. On oublia ou voulut oublier que l’homme, avant sa collocation dans un asile, près de Turin, avait commis un vol. Le « professeur » et madame Canella retrouvèrent ensemble, à la joie générale, famille et enfants. Mais bientôt, suite à l’irruption d’une rivale dans ce jeune bonheur, une identité moins reluisante était attribuée au revenant.
Les procès commencèrent, non sans intrusion des autorités politiques et religieuses. Le pays se divisa en « canelliens » et « brunériens », adjectif forgé sur le vrai nom de ce simulateur. Il allait, jusqu’à sa mort au Brésil en 1941, jouer imperturbablement le rôle que le hasard lui avait offert sur un plateau d’argent. Il faut dire que la dame aimante et fortunée partie avec lui aux Amériques n’eut jamais la moindre défaillance dans son propre personnage, malgré la complexification de l’imbroglio légal et les progrès de la partie adverse. Quant au fruste Bruneri, il publia et fit en portugais des exposés dans le style néo-scolastique de son prédécesseur.

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Dans la tête de… – Mélanie Chappuis

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Que pensent celles et ceux dont parlent les journalistes ? Mélanie Chappuis est partie de cette interrogation pour se mettre dans la tête des personnalités ou des anonymes qui ont fait l’actualité en 2013. D’Obama à Nabila, d’un pape démissionnaire à un enfant syrien, de Frigide Barjot à Jean Ziegler, l’écrivaine romande opère une plongée dans les pensées de personnes rendues personnages.
Que ressent une musulmane lorsqu’elle apprend que le Tessin a décidé d’interdire la burqa ? Quels sont les tiraillements du président américain après les attentats de Boston ? Comment l’intervention française au Mali influe-t-elle sur la virilité de François Hollande ? Comment Nicolas Sarkozy se justifie-t-il devant son épouse Carla Bruni lorsqu’on l’accuse d’avoir accepté de l’argent libyen pour financer sa campagne ? Que ressent un homosexuel parisien pendant les « manif pour tous » ? Ou une personne âgée à qui on refuse le droit de mettre fin à ses jours ? Plutôt qu’une approche journalistique, Mélanie Chappuis adopte une démarche littéraire afin de ressentir les tourments de ceux qui font l’actualité. Pour nous faire entendre ce qu’ils n’ont pas dit, elle se met à leur place, avec tendresse, humour, voire ironie.
Une série de portraits inattendus et intimes dressés avec talent, qui nous offrent le regard d’une auteure sur l’année écoulée. La plupart de ces chroniques ont été publiées dans le quotidien suisse le temps à partir de janvier 2013.
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Les premières lignes
Dans la tête de…
Cécile B., spectatrice de son image

Une histoire d’amour, le film inspiré de la relation tumultueuse entre Cécile B. et le financier français Edouard Stern vient de sortir sur les écrans romands. Avec Benoît Poelvoorde et Laetitia Casta.

Mon amour, tu as vu, c’est Laetitia Casta qui va jouer mon rôle. Elle n’a rien d’une pute, tu vois, elle est pure, sensuelle. Émouvante. Comme moi avant, même si tu me traitais de pute, mon amour impitoyable. Toi, tu es interprété par Benoît Poelvoorde. Avoue que c’est moins classe. Il n’a rien de manipulateur ou de cruel, Poelvoorde. Rien d’excitant ou d’intimidant. Il a l’air fragile, pas assez sûr de lui. Rien à voir avec toi. Il a la peau toute fripée. Je l’ai remarqué sur la photo dans le journal. Une peau de vieux. D’homme qui ne fait pas son poids. Ce n’est pas beau d’être trop maigre à un certain âge. Toi, tu étais mince mais plein. Tu avais une belle peau ferme et poilue qui sentait bon. J’aimais appuyer mon visage contre elle, sentir tes poils crisser contre mon oreille, ton cœur battre. Et tes caresses dans mes cheveux. Ces moments étaient si précieux. Le réalises-tu aujourd’hui que tu es loin ? Toi, tu préférais ta combinaison à ta peau, à nos peaux. Tu préférais lorsqu’on se faisait du mal, que c’était pervers et méchant. Mais ensuite, parfois, il y avait nos moments de douceur et de beauté suprême.

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Un lutin sur l’appui de fenêtre [conte (presque possible) de Noël] – Nadine Fabry

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Une petite ville au milieu de nulle part, bercée par les légendes de l’Ardenne profonde. Il ne s’y passe rien, et pourtant…
Quel est ce fil invisible qui relie Claire, Nina, Pierre, Aurore et les autres tout au long du récit ? Quelle est la part du hasard et de la probabilité dans le croisement de leurs destins ? Comment un grand secret s’infiltre-t-il dans la vie de chacun, laissant des vides, des traces et des frustrations, mais aussi une énergie vitale et des pistes à suivre pour découvrir qui ils sont ?
Un conte de Noël sous le regard de Tom, petit lutin sur l’appui de fenêtre
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Les premières lignes
1987 Une petite ville née quelque part au pied d’un plissement hercynien.
Un lac, un camping et le début de l’été qui ron­­ronne. Les familles du dimanche profitent du soleil, c’est pique-nique badmington ballon pétanque, baignades en culotte et petits cailloux collés sur les fesses. Les enfants jouent et les parents se reposent sous les arbres.
Une jeune femme lit, couchée à plat ventre sur sa serviette rose pendant que son petit garçon de quatre ans farfouille dans son sac. Il cherche une carte postale avec un timbre qui représente un kangourou. C’est une carte géante avec des routes, des déserts et la mer tout autour. Il préfère celles avec des blagues et des dessins marrants ; il les collectionne. Ces cartes ont traversé une mer immense et des tas de pays pour arriver dans sa boîte aux lettres, elles viennent d’un endroit lointain qui s’appelle l’Australie mais il dit l’ « autre Allie ». Sa maman le lui a montré sur la grosse boule du monde, car c’est là que vit son papa. Son papa, il ne l’a jamais vu, il rêve souvent de lui en habits de cow-boy au milieu des vaches et des moutons.

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Sur l’océan de nos âges – Françoise Pirart

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Lorsque Lara fait la connaissance d’Antonine au Doux Repos, la dame affiche quatre-vingt-quinze printemps, une santé de fer et une sacrée dose d’humour teintée de sarcasme.
Entre la rude Wallonne qui a traversé toutes les guerres et Lara, la jeune pianiste si troublante, une amitié indéfectible va éclore. Trois années de conversations, de confidences mutuelles dans la douceur des gestes et le secret des silences.
Mais en vérité qui est Lara ? Qui est cette musicienne sur­­douée, fragile au point d’avoir renoncé à une carrière hors du commun ?
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Les premières lignes
Les restes de moi s’en vont. Mon armoire n’est plus celle d’avant. Il y a deux mystères à explorer : que sont devenus mon secrétaire en acajou et mon abat-jour bleu à festons jaunes ?
Je ne sais pas ce qu’on me veut. Aujourd’hui, j’ai été emmenée par ceux-là. L’un, grand et fort, était plutôt beau garçon, il aurait pu me plaire. Croit-on que je puisse regarder un homme sans le voir comme tel ? Sous sa blouse blanche (ils en ont tous), il devait avoir un torse musclé qui prête à tous les désirs, des jambes longues et bien faites, des pieds d’homme préhistorique. Ah ! je disais toujours à Albert qu’il avait des pieds d’homme préhistorique !
On m’emporte, je suis devenue une toute petite chose qui glisse entre leurs doigts. Je glisse et je me tais. De toute façon, on ne m’écoute pas. La fois passée – hier ? avant-hier ? –, j’ai demandé pourquoi j’étais ici. On m’a répondu que c’était pour mon bien. Que pour moi, il n’y avait pas d’autre solution étant donné mon âge.
Je suis stupéfaite. On parle de mon âge, mais on ne me pose aucune question précise à ce sujet. Certes, j’avoue ne plus être une jeunette, mais quand même… Questionner une femme sur un sujet aussi délicat est très souvent indélicat.

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Michel Lambert, les âmes fêlées – Emilie Gäbele

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Michel Lambert est un nouvelliste renommé. Voici la toute première monographie consacrée à son œuvre complet, avec un entretien exclusif et un texte inédit. Sans oublier un cahier de photos.
Pour se familiariser avec l’univers d’un écrivain belge trop méconnu ou le retrouver sous un jour éclairant. Mais aussi un outil pédagogique remarquable pour les étudiants… et les professeurs, qui programment cet auteur en classe.
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Les premières lignes
Dans ses romans et recueils de nouvelles, Michel Lambert a développé une même note, a créé un univers cohérent et concordant. Des liens se tissent entre chaque texte, des échos se répondent d’un récit à l’autre et font sens : des personnages, des thématiques, des expressions, des structures formelles, etc. Cette volonté d’unité – peut-être ignorée par l’auteur au départ – constitue toute sa richesse.
Le roman et la nouvelle sont deux pratiques littéraires différentes qui pourtant se rejoignent. Michel Lambert estime que, dans un roman, chaque chapitre doit avoir un enjeu propre, comparable à celui qui est indispensable dans une nouvelle. Chaque chapitre pourrait presque se lire de manière autonome. Les recueils de nouvelles peuvent également être lus comme des romans, chaque recueil étant porteur d’une même thématique. Tous ses récits, qu’ils aient donné lieu à des romans ou des nouvelles, partent d’un personnage qui devient la base même du récit.

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La solitude du papillon – Laurence Bertels

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Pendant qu’Isabelle lit Madame Bovary pour la quatrième fois, se languit et s’interroge sur sa vie de couple, un accident survenu en montagne bouleverse l’existence de sa fille, Clara. Chrysa­lide appelée à devenir papillon, la jeune fille va surmonter de nombreux obstacles pour attirer enfin les regards vers elle… Elle passera ensuite sans transition de l’enfance à l’âge adulte, celui où les amours se déchirent, où les solitudes s’installent.
De Paris à Gérone, en passant par la petite ville côtière de Veules-les-Roses en Normandie, se tissent les destins de personnages intimement liés sans le savoir par des secrets de famille.
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Les premières lignes
Une lettre de Catherine. Isabelle s’interroge. Elle a failli la jeter en même temps que les dépliants publicitaires. Elle ne reçoit presque plus jamais de courrier, de vraies lettres. Un pincement au cœur. Elle se croyait guérie, et pourtant ses mains tremblent légèrement. Que lui veut-elle ? Elle se retient de ne pas l’ouvrir sur le trottoir, là dehors, devant d’hypothétiques passants. Elle pousse la grille de sa maison, en gravit le sentier en calmant sa respiration et cherche à retrouver sa fragile sérénité.
Elle attendra d’être assise à la table de la cuisine pour lire. Elle se prépare un thé, se persuade qu’elle a le temps, qu’il n’y a pas d’urgence, que tout est joué, de toute façon. Cinq ans qu’elle n’a plus vu son amie. Que veut-elle lui dire ? Isabelle ouvre l’enveloppe à l’aide de son coupe-papier en ébène, un souvenir de son père qu’elle ne sort que pour les grandes occasions. La missive est brève. C’est important.

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Les sept meurtrières du visage – Luc Baba

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Secrétaire sans histoire et sans boulot, Basile vit entre le lierre en pot de sa cuisine et le bar de Grant. Il ne fréquente pas le monde. Son entourage se limite à Hélène, une amie célibataire, seule et sans passion comme lui, et pad, son grand-père qui l’a élevé.
Un jour, rendant visite à son médecin pour quelques vertiges qui l’inquiè­tent, Basile apprend qu’il souffre d’un mal incurable. Il est sur le point de perdre les sens, tous, et il ne lui reste qu’à se préparer. Commence alors une quête désordonnée. C’est qu’on ne se prépare pas à devenir un œuf comme on se prépare une omelette.
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Les premières lignes
À peine éveillé, j’ai regardé les dessins du givre aux fenêtres de la chambre, écouté les cris d’étudiants sur le trottoir, et les pies sur le toit. Ensuite j’ai respiré des savons et goûté mon café noir.
– Ça va, j’ai dit.
Alors, j’ai ri en grinçant des dents, je me suis assis sur la chaise de la cuisine et j’ai écrasé la mine rouge d’un crayon sur la table, j’aime bien le rouge, c’est ma couleur préférée quand j’ai froid.
J’avais prévu de chercher du boulot, de lire les annonces, mais puisque ça ne sert plus à rien, je reste assis dans la cuisine, et je regarde mon téléphone, et je répète des mots pour entendre ma voix :
– C’est pas possible. Il s’est trompé.
Pourtant, lorsque j’ai vu le médecin, il était formel, comme on dit. Sa tête était pleine de tics et de sueur. « C’est rare, Monsieur, mais cela existe. Je suis désolé. »
– Hélène ? Je dois te voir.
– Viens, tu sais que tu peux venir.
Elle n’aime pas le téléphone, et elle est seule, très farouche, bien repassée. Pas seule comme moi : elle a la télévision. Son appartement est situé sur une avenue morte où les arbres sont taillés comme des crayons noirs. Des cadavres d’arbres aux troncs cancéreux portant des moignons, des petites mains sèches, des doigts qui tremblent. Je n’aime pas le noir.

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L’arbre à songes – Aurelia Jane Lee

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L’arbre à songes est un vieil hêtre rouge dressé au milieu d’une vaste propriété retournée à l’état sauvage. Dans ce domaine vivent Abel, un écrivain misanthrope, et sa compagne Sauvane, au sujet de laquelle les rumeurs les plus extravagantes courent dans le village voisin. On y croise aussi des visiteurs clandestins : Thomas, jeune garçon passionné par la nature, qui ne ressemble pas aux autres gamins de son âge, et Madelon, adolescente férue de lecture qui passe là chaque année ses vacances d’été.
Abel aime Sauvane d’une façon intense et fusionnelle : elle est son unique lien avec le monde extérieur. Lorsqu’elle s’absente, il ne lui reste qu’à se plonger dans les mondes de fiction et d’illusion qu’il invente ; jusqu’à ce que la réalité le rattrape.
Au fil des saisons et par le biais de l’écriture, des blessures anciennes se rouvrent, le passé refait surface, le voile tombe et les secrets de chacun se révèlent, alors que l’histoire, curieusement, se répète.
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Les premières lignes
Nous vivions déjà ensemble avant de vivre ensemble, mon amour.
L’écorce pelée des bouleaux, blondie par le soleil de six heures. Je la regarde distraitement. J’ai l’impression que quand je regarde par la fenêtre entre deux paragraphes, c’est toujours distraitement, dans une sorte d’état second, où l’extérieur m’apparaît comme à travers le reflet brumeux, sur la vitre, de mes propres pensées, de mon imagination.
Pourtant l’un est dans l’autre. La réalité dans la fiction, et inversément.
Le seul lien entre les deux, pour moi, c’est Sauvane.
Sinon, cela fait longtemps que la réalité m’aurait quitté, que j’aurais oublié où je suis. Ce n’est pas moi qui quitterais la réalité, je n’écris pas pour ça, il ne s’agit pas d’une fuite volontaire, mais je sens qu’à force de me pencher sur mes feuilles, sur les images qui naissent dans mon esprit et sur les mots qui les décrivent au mieux, à force d’écouter ce flux qui me travaille comme la lune agite la mer et comme le soleil fait éclore les bourgeons, je pénètre dans une atmo­sphère particulière, au sein de laquelle tout ce que je perçois de la réalité extérieure est déformé, réfracté, exactement comme si je l’appréhendais à travers un kaléidoscope. Et cet univers aux mille reflets se referme sur moi, au risque de me faire perdre tout contact avec la réalité.

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Le sous-bois – Anne-Frédérique Rochat

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C’est l’été. Le début du mois de juillet. Les membres d’une même famille, où les rôles semblent s’être inversés, partent en vacances pour la première fois de leur vie. La fille aînée, quarante ans, qui habite encore chez ses parents et s’occupe avec beaucoup de zèle de son « petit monde », a loué pour l’occasion une maisonnette perdue au milieu d’une forêt de hêtres. Elle emmène donc sa sœur cadette de vingt ans, son père et sa mère, en voyage vers l’inconnu; histoire de bousculer un peu leurs habitudes et de découvrir de nouveaux horizons. Mais cette bouffée d’air engendrera des bouleversements beaucoup plus importants que ceux qu’elle avait prévus.
Quand «se sacrifier» pour sa famille relève en fait de l’égoïs­me et de la peur, et saccage des vies.
Un conte cruel à l’atmosphère mystérieuse et inquiétante, à la frontière du rêve
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Les premières lignes
Diane est encore endormie. Virgile et Fantine, que j’ai depuis longtemps perdu l’habitude d’appeler papa et maman, inondent la salle de bains de leurs éclats de rire. Je prépare le café. Bien fort et bien serré, c’est comme ça qu’on l’aime dans la famille. Je pose sur la vieille table en bois la confiture de lait et la gelée de coing, le beurre et le pain de la veille que j’ai pris soin d’envelopper dans un linge humide. Les gestes répétitifs ne me font pas peur, je ne suis pas de celles que la routine angoisse, je chéris mes habitudes, j’éprouve un certain plaisir à prendre soin de mon petit monde.
– Diane nom de dieu, il est l’heure!
Ma voix stridente résonne dans notre modeste appartement. Un brin d’agressivité est toujours nécessaire pour extirper ma petite sœur des bras tendres et moelleux de Morphée. J’entends un râle, elle a dû ouvrir les yeux.
– Qu’est-ce que j’ai faim, cette nuit m’a creusée, dit joyeusement Fantine en entrant dans la cuisine, je pourrais manger un loup!
Virgile l’attrape par la taille et grogne dans son cou, elle rit.
– On dit «J’ai une faim de loup», pas «Je pourrais manger un loup», dis-je en ôtant la cafetière du feu.
Je remplis les tasses. Je crie encore une fois pour essayer de faire tomber notre déesse de son nuage, nous nous asseyons autour de la table, et nous entamons le petit-déjeuner.
Ce mercredi 1er juillet est un jour à marquer d’une pierre blanche, nous partons en vacances pour la première fois.

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