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Colette Nys-Mazure, accordée au vivant – Mathieu Gimenez

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Écrire la biographie de Colette Nys-Mazure est une gageure. Sa vie transparaît dans tous ses écrits. Chaque essai, chaque poème, chaque recueil de nouvelles est nourri de ses expériences. Sans entrer dans le jeu de l’autofiction, elle se livre et se laisse lire à travers ses phrases qu’elle travaille avec amour et exigence. Cette biographie, Colette Nys-Mazure l’écrit et la vit au jour le jour, ajoutant chaque année de nouveaux textes et de nouvelles expériences à une œuvre d’une richesse féconde. La figure de Pénélope s’impose ici tant la volonté de tisser des liens et de susciter des échos est présente chez l’auteure de Célébration du quotidien. Tout est lié, le vivant s’imbrique dans le vivant. Cette monographie recherche ce regard en tentant de mettre au jour le rythme intime de l’œuvre et des mots qu’il nous appartient de faire résonner.
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Les premières lignes
Quiconque voudrait comprendre Colette Nys-Mazure devrait commencer par se rendre au Mont-Saint-Aubert, de préférence un lundi de Pâques pour la Marche à Baton. Contrairement à ce que le nom de ce lieu pourrait laisser croire, ce n’est pas une montagne, ni tout à fait une colline. La Belgique n’aime pas ces hauteurs narquoises. Contemplez le Mont-Saint-Aubert et vous aurez l’impression que le paysage hausse les épaules et vous fait un clin d’œil. On vous incite à grimper. Au Mont-Saint-Aubert, il vous faut laisser le village et la rue du Reposoir pour emprunter le Chemin des Poètes. Ce petit sentier est jalonné de pierres bleues gravées sur lesquelles les promeneurs sont amenés à lire les citations des poètes de la région. Parmi elles, la voix de Michel Voiturier se fait entendre : « Chaque rencontre m’est aube ». Colette Nys-Mazure lui répond par des vœux de vie : « Célébrer les silences et leur ouvrir les ailes ». À l’issue de ce sentier, le promeneur peut rejoindre le Jardin des Poètes. Inauguré à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire de son mécène Géo Librecht, ce jardin réuni les sépultures de neuf poètes de l’association Unimuse. Il forme « un arc de cercle où viennent se placer les tombes individuelles en éventail, orientées vers la France » expliqua son mécène. Sur la dernière de ces neuf tombes, le promeneur lira ceci : « Colette Nys-Mazure 1939- / Tendre à travers mots une main Et traverser la nuit sans mourir ». Cette tombe, insolite aux yeux de certains, plaît assez à Colette Nys-Mazure qui y amène volontiers ses visiteurs. Elle y prend par ailleurs un malin plaisir qui parle à sa place. La mort fait partie de la vie de Colette Nys-Mazure. Née en 1939, elle connaîtra les horreurs de la guerre et sa violence. Elle n’oubliera jamais la douleur des femmes rasées et le retour des soldats. À l’âge de sept ans, le deuil précoce qu’elle doit porter fait d’elle une orpheline, marquée aux yeux de tous par la couleur de son vêtement. De cette période, elle gardera une angoisse chevillée au corps et un goût définitif pour la vie et ses joies. Aidée par ses proches et par la religieuse Sœur Marie Tarcisius, elle ne succombera ni à l’amertume ni à la rancœur. Elle vivra accordée au vivant.

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Françoise Lison-Leroy et Colette Nys-Mazure – Champs mêlés

Françoise Lison-Leroy habite Tournai, où elle enseigne le français à des adolescents. Poète et nouvelliste, elle collectionne les récompenses littéraires. Colette Nys-Mazure enseigne elle aussi le français à Tournai, où elle habite. Poétesse très publiée et primée, elle a connu en 1997 un étonnant succès de librairie avec Célébration du quotidien [Desclée de Brouwer]. Après avoir publié séparément chez Luce Wilquin l’an dernier [«Dites trente-deux» pour Françoise et «Enfance portative» pour Colette), les deux écrivaines ont retrouvé leur complicité pour ce recueil à deux voix.

Dans leur parcours à deux voix et quatre mains, nos deux poétesses ont osé un projet insolent : rendre par des mots l’univers de toiles. Non pas les décrire, non, mais en restituer l’émotion. Pari tenu!

Les premières lignes
Cherchant à ouvrir de grandes perspectives dans le paysage touffu d’une histoire millénaire, savants colloques et publications érudites ont tenté tant et plus de brosser un tableau exhaustif des rapports qu’entretiennent la littérature et la peinture. Plus particulièrement la poésie et la peinture, ces disciplines jumelles, dont Lomazzo écrivait «quasi nate ad un parto», avant de faire écho à l’adage antique par Plutarque attribué à Simonide : «l’una pittura loquace e l’altra poesia mutola ».

Colette Nys-Mazure – Enfance portative

Souvent mère et grand-mère, enseignante de longue haleine, Colette Nys-Mazure demeure marquée par l’expérience de Haute enfance: la disparition précoce de ses parents et des repères naturels des premières années. Peut-être est-ce pour cela qu’elle reste en connivence avec les secrets de l’aube. Poète, nouvelliste, essayiste, elle a reçu en 1990 le Grand Prix de Poésie pour la Jeunesse et en 1996 le Prix de Poésie Max-Pol Fouchet pour Le For intérieur.

«Au noeud de notre vie, cette veilleuse: l’enfance ne se fait jamais lointaine, ni la nôtre, ni celle des autres. On s’y enracine et on l’emporte partout avec soi. On voudrait y rester fidèle, traverser la vie avec l’aisance grave des dix ans, sans jamais laisser s’appesantir sur soi le sérieux des grandes personnes, le désir de confort, le soupçon, la malveillance. […] ce recueil-ci […] brasse en effet alternativement humour, voire ironie et drame, lyrisme et fantaisie, réflexion et défou-lement, profondeur et superficialité.» [Michel Voiturier, Le Courrier de l’Escaut]

Les premières lignes
Entre pointe du jour et nuit d’encre,je me taille au vif de midiune bonne tranche de jeux et de fugues. Je chipe à l’ennui des tartines de soleil bis, confiture-fête-framboise,tout le miel des prairies. Dans la poche mon casse-croûte pour la vie. [l’optimiste]*Maman a décrété: je ne lave plus les mouchoirs. Cela prend trop d’huile de bras, de poudre à lessiver et de temps à repasser. Elle achète des mouchoirs en papier. Oui, mais moi, je me mouche dans mes doigts, j’ai des boules moites au fond[des poches et rien pour pleurer. [le progrès]*