Le début
Dans la tête de…
Cécile B., spectatrice de son image
Une histoire d’amour, le film inspiré de la relation tumultueuse entre Cécile B. et le financier français Edouard Stern vient de sortir sur les écrans romands. Avec Benoît Poelvoorde et Laetitia Casta.
Mon amour, tu as vu, c’est Laetitia Casta qui va jouer mon rôle. Elle n’a rien d’une pute, tu vois, elle est pure, sensuelle. Émouvante. Comme moi avant, même si tu me traitais de pute, mon amour impitoyable. Toi, tu es interprété par Benoît Poelvoorde. Avoue que c’est moins classe. Il n’a rien de manipulateur ou de cruel, Poelvoorde. Rien d’excitant ou d’intimidant. Il a l’air fragile, pas assez sûr de lui. Rien à voir avec toi. Il a la peau toute fripée. Je l’ai remarqué sur la photo dans le journal. Une peau de vieux. D’homme qui ne fait pas son poids. Ce n’est pas beau d’être trop maigre à un certain âge. Toi, tu étais mince mais plein. Tu avais une belle peau ferme et poilue qui sentait bon. J’aimais appuyer mon visage contre elle, sentir tes poils crisser contre mon oreille, ton cœur battre. Et tes caresses dans mes cheveux. Ces moments étaient si précieux. Le réalises-tu aujourd’hui que tu es loin ? Toi, tu préférais ta combinaison à ta peau, à nos peaux. Tu préférais lorsqu’on se faisait du mal, que c’était pervers et méchant. Mais ensuite, parfois, il y avait nos moments de douceur et de beauté suprême.
Le film s’appelle Une histoire d’amour. Tu vois, pas « une histoire de cul » ou « une histoire de fric ». Une histoire d’amour, comme la nôtre, mon amour. Le film sort demain. J’aurais préféré qu’il n’existe pas, qu’ils renoncent à le tourner. Tes enfants aussi, ça doit les perturber. Je pense encore davantage à toi depuis que les médias parlent du film. Ce n’est pas bien pour mon équilibre, dit mon thérapeute. Ou alors il faudrait que je ne me souvienne que du pire. Pour en conclure que tu ne m’aimais pas. Bien sûr que tu m’aimais. Ils n’ont rien compris à notre histoire. Souviens-toi, Maître Reymond, lors de ma défense, il avait ressorti tes messages les plus cruels, il avait déclaré que tu m’avais martyrisée, humiliée, brisée. C’est vrai. Mais sa conclusion à lui, qu’il m’avait jetée à la figure, c’était « Pardonnez-moi, Cécile, mais de vous il n’en avait rien à foutre. » C’était très dur à entendre. Très douloureux. J’ai failli y croire tellement j’étais fragile et perdue à l’époque. Mais bien sûr que non, tu n’en avais pas rien à foutre. Un homme qui s’en fout ne se donne pas autant de mal pour « martyriser, humilier et briser » une femme. Ce sont eux qui n’ont rien compris : tu n’en avais pas rien à foutre, tu me haïssais. La haine, c’est comme l’amour. C’est sur la même vibration énergétique. Tu me haïssais aussi violemment que tu m’aimais, et c’était beau même dans les pires moments. Ils ne peuvent pas comprendre, avec leurs petites vies normales.
Moi aussi, j’aimerais bien une petite vie normale, maintenant. Mais je suis borderline, et il y a ce film et je vais aller le voir même si ça va me déchirer le cœur, le corps et l’âme. J’espère que les acteurs nous ressembleront un peu. Que je te reconnaîtrai malgré la peau et les cheveux de Poelvoorde. Que je nous reverrai, mon amour, que je nous retrouverai.
Ping : Quelques dates en mai et juin… | Éditions Luce Wilquin