Archives de catégorie : Publications

Trop lourd pour moi – Daniel Charneux

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Si le titre Illusions perdues n’était déjà pris par un illustre romancier, il aurait pu servir à l’auteur de Trop lourd pour moi. Car Jean-Baptiste Taillandier, le protagoniste narrateur de ce récit, perdra une à une les illusions de son enfance. Né au milieu des années 50, il entre dans la vie avec la louable intention d’aider la veuve et l’orphelin. Tenté un temps par la coopération au développement, il devient finalement psychologue en milieu scolaire. Or, la satisfaction n’est au rendez-vous ni dans sa vie professionnelle, ni dans sa vie affective perturbée. Le seul havre de paix est l’enfance, où le plongent ses souvenirs heureux associés la plupart du temps à une mère aimante. Mais les êtres chers s’en vont, et Jean-Baptiste voit son univers rétrécir comme peau de chagrin. D’où la tentation de la fuite. Après avoir cherché dans le bouddhisme un refuge illusoire, il trouvera une retraite dans la solitude consentie, où il tentera de dire ce qui le ronge depuis toujours et qui était, décidément, trop lourd pour lui.
En librairie le 22 août

Les premières lignes
Cette fois, je dirai tout. Enfin, presque. Tout dire serait impossible. Tout ce que j’ai vécu ? Pensé ? Senti ? Je veux dire que je ne cacherai rien de ce qui m’a conduit où je suis. J’ai tout mon temps.
Tout mon temps… À peine ai-je écrit ces mots qu’ils me dépassent. Le temps ne m’appartient pas. Pour être plus exact, je peux à présent consacrer tout le temps dont je dispose à dire la vérité que je retiens depuis toujours.
Revenu du Sinaï où il avait reçu de l’Éternel les Tables de la Loi, Moïse a trouvé les fils d’Israël adorant un veau d’or. Il me semble que, toute ma vie durant, j’ai vénéré une idole en toc. À présent que j’ai résolu de la briser, je ne sais quel nom lui donner. Peut-être dois-je d’abord la nommer pour la briser ensuite. Peut-être qu’il suffit de la nommer pour qu’elle se fissure et s’émiette.
Il faudra sans doute remonter jusqu’à l’enfance, quand je maraudais des bigarreaux dans les prairies. J’avais perdu un canif au bord du ruisseau. Le dimanche après la messe, je déchirais le papier des surprises à un franc. Les pièces de cuivre et de nickel tintaient dans les sébiles des offrandes. Des images en noir et blanc. Des instantanés sépia.

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À découvrir bientôt…

Rentrée2014

Cappuccino blues – Sarah Berti

488blog

13 novembre 2010. Le Bourgmestre de Rebecq déclenche le plan d’urgence pour gérer une crue exceptionnelle de la Senne, l’inondation touchant plus de mille habitations dans le village. Un à un, les petits rys débordent, noient la campagne, créent un vent de panique et d’incompréhension.
Les agents de l’Antenne de police sont réquisitionnés pour sécuriser les rues ou les maisons abandonnées, et venir en aide à la population sinistrée. Et ils ont fort à faire, entre la disparition mystérieuse de la libraire et de son bébé de dix mois, la découverte d’un squelette, l’absence inexpliquée d’une vieille dame…
Bravant les eaux déchaînées, l’aspirant inspecteur Tiziana Dallavera se lance dans l’action, en compagnie de son petit frère toujours prêt à mettre son cerveau supersonique au service des autres, pendant que Nonna réconforte les âmes à grands bols de minestrone ou de cappuccino mousseux.
En librairie le 13 juin

Les premières lignes
Cela avait commencé comme une banale averse. Personne n’y avait prêté attention, ni les passants pressés de s’abriter, ni les automobilistes qui zigzaguaient entre les flaques. L’eau tombait, donc, drue, persistante, et la rivière grossissait tranquillement. Elle charriait ses flots boueux et rognait peu à peu les berges érodées.
Tout le pays se détrempait lentement, dans cette atmosphère triste et presque obscure des samedis pluvieux belges. Personne ne se risquait à sortir s’il n’y était pas obligé, la télévision devenait le centre de la vie, comme le feu au coin duquel les familles se rassemblaient autrefois. Les rares regards aux fenêtres se détournaient rapidement, lassés de ce crachin monotone.
Les petits rys débordèrent les premiers, dans l’indifférence générale, noyant les champs alentour, les fossés, les petits chemins reculés de la campagne rebecquoise. On était le samedi 13 novembre 2010 à dix heures du matin, et personne ne savait encore que la commune allait vivre la plus grande catastrophe naturelle de son histoire dans les trente heures à venir.

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Les poches cousues – Michel Claise et Alain-Charles Faidherbe

487blog

Dans ce pays du Bloc de l’Est, où règnent le Parti communiste et la corruption, le juge Mikhaïl Mikhaïlovitch ne ressemble pas à ses collègues : il a tout simplement décidé de « coudre ses poches ». Dans ce système pourri, il devient alors l’homme à abattre.
La chute du Mur ne change rien. Les mafieux russes, qui se substituent aux anciens apparatchiks, continuent à arroser les milieux politiques et judiciaires de leurs fonds occultes pour leur profit personnel.
On assiste ici au combat effréné d’un homme dont l’immense défaut est l’intégrité. En refusant de suivre les directives que les corrompus tentent de lui imposer, en dénonçant les malversations financières qu’il découvre, le juge Mikhaïlovitch devient la cible de toutes les stratégies de déstabilisation imaginables, faux témoignages, procédures falsifiées, menaces de mort, jusqu’à la violence ultime portée contre sa famille. Au point d’être exfiltré vers la Belgique, pour sauver sa peau.
L’histoire est romancée, mais la vérité est nue sous le manteau de l’imagination. Pour que le lecteur sache ce qui s’est passé et se passe encore dans un de ces pays qui demande aujourd’hui à entrer dans la zone Schengen. Aussi pour que tous prennent conscience que nos démocraties fragilisées par la crise et pénétrées par l’argent sale sont en danger, un jour, de lui ressembler.
En librairie le 20 mai

Les premières lignes
L’enfant, bien calé sur le siège en métal rouillé de la balançoire, s’était mis à enrouler les cordes en les tordant jusqu’au bout du possible pour ensuite, comme une toupie, s’abandonner à la rotation de cette folle spirale. Il ne se lassait pas de ce vertige qui lui donnait en une seconde une vision circulaire de tout son petit monde. Après une dizaine de tours enivrants, il sauta de la nacelle et, titubant un peu, plongea dans l’herbe haute et grasse comme dans la fraîcheur d’un océan bienveillant. Le jardin bordant l’immeuble en briques rouges de trois étages où habitait sa famille était entouré de hautes clôtures, marquant ainsi la différence entre les habitations des nantis du régime et celles des moins bien lotis, qui n’ont pas montré suffisamment de soumission à la doctrine du Parti par manque d’assiduité aux réunions vespérales ou par désintérêt de la chose politique. La règle était pourtant simple : pour réussir dans la société communiste, il fallait plaire à ceux qui avaient réussi.

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La blancheur des étoiles – Éric Brucher

485blog

Une histoire de vie et de mort, de douleur et de jouissance sur fond d’errance urbaine. Une fille-mère et son chevalier furieux courant après des moulins à vent, un amour qui cherche les étoiles où s’effacent les haines et les peurs.
Des immeubles et la révolte de graffitis, l’ivresse des martinets et le vacarme d’un scooter pour crever la vieille indifférence du monde. La mémoire de femmes fuyant le pouvoir des hommes. La jeune maternité surtout, la plénitude de la grossesse, et l’enfant que dévorent les ogres ordinaires.
L’histoire est librement inspirée d’un témoignage : une fille-mère privée de son enfant, forcée d’avorter d’un deuxième et qui a voulu mourir.
En librairie le 16 mai

Les premières lignes
Le nouveau bébé arriverait bientôt. Cette fois, elle l’avait senti tout de suite, l’impression ténue de bulles, le battement imperceptible d’un papillon dans l’utérus.
Serena pensait qu’elle pourrait être enceinte indéfiniment. Cette sensation de complétude ou d’être réunie, la vie qui a un sens, réaliser le secret de son être.

Elle aimait cette lumière du soir, qui arrivait oblique et douce par la lucarne de la chambre, son rayon doré où dansait la poussière. Elle la sentait appuyer sur son ventre, se coucher contre elle pour chasser l’inquiétude, l’envelopper tout entière dans sa chaleur. Sur la couette aux dessins fleuris, Serena regardait longtemps la suspension légère bouger dans la paix.
Une féérie, comme s’il pouvait y avoir un enchantement.
Serena se sentait pareille, en apesanteur dans ce couloir brillant, un peu engourdie par le bien-être. Elle aurait pu rester toujours de cette façon, allongée sur son lit, à rêvasser et regarder virevolter ces paillettes innombrables et merveilleuses, un tourbillon lent de pollen.
Cela faisait songer à de la magie, une forme d’éternité. Serena pouvait tout oublier, le mal, la haine, les gens qui trahissent.

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Le mascaret des jours – Claudine Houriet

486blog

Ils viennent de près, de très loin, de l’inconnu parfois. Issus du passé, d’un rêve, d’un voyage, d’une nostalgie. Ils accompagnent l’auteur depuis des mois, certains depuis des années. Le bourdonnement de leurs voix s’est peu à peu intensifié, est devenu assourdissant. Ils se sont mis à peser si lourd qu’il a fallu céder à leur insistance et façonner pour chacun d’eux la vie qui semblait lui être due. Voici leur petite troupe, réunie en une trentaine de nouvelles. Claudine Houriet a nourri ses personnages de sa tendresse et de ses fantasmes. Elle les tenait blottis en elle. Elle a ouvert les bras, ils se sont échappés. À toi, lecteur, de prendre la relève, de les accueillir et, peut-être, de leur offrir une deuxième existence.
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Les premières lignes
Il avait le cœur gros. C’était idiot, mais il n’y pouvait rien. Cet ultime trajet lui donnait le blues. Il aurait volontiers continué à travailler. À soixante ans, il se sentait en pleine forme. Il avait essayé d’insister.
– Je sais, mon vieux, avait dit le patron. Tu es l’un de nos meilleurs éléments. Pas une fois tu ne nous as causé d’embrouille. Mais que veux-tu, la loi, c’est la loi ! Pour les très longs parcours, tu as déjà dépassé l’âge. Allons, Pablo, ne fais pas la gueule ! Tu auras un double salaire et une belle fête d’adieu. Après, vive la retraite et les petites pépées !
Imbécile! Il en avait côtoyé, des routiers à la retraite. Taper le carton et se saouler la gueule, ils n’avaient pas d’autre programme. Finir comme eux l’effrayait. Heureusement, il aimait la nature. Mais jusqu’à présent, il l’avait surtout contemplée de sa cabine. Il en avait vu, des paysages sublimes, du haut de son bahut. À l’aube, quand les voies ne sont pas encore encombrées et qu’on se permet un coup d’œil extérieur. Des levers de soleil à se mettre à genoux, des landes glacées qui étincellent avec une lignée d’arbres ciselés sur l’horizon. La nuit où son volant avait failli lui échapper, parce que soudain des dizaines d’yeux étaient apparus dans l’obscurité. Une harde de cerfs massés derrière les barrières, examinant curieusement les bolides qui filaient devant eux. Et ces immenses bois d’Allemagne que l’autoroute coupait d’une large tranchée. Il avait sa fenêtre ouverte, les oiseaux lui offraient leurs chants par-dessus le bruit des moteurs, et il chantait avec eux, à tue-tête.

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Rosalinde Miller – Stanislas Cotton

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Le facteur Melville Tournepierre profite des beaux jours pour gravir le col de la Flèche au guidon de sa bicyclette et distribuer le courrier aux habitants du plateau. Il y grimperait deux fois s’il le fallait, car cet été une jeune femme a élu domicile dans la maison de sa tante. Mais ce matin-là, quelque chose cloche… Un pied ravissant apparaît dans l’entrebâillement de la porte, et le facteur découvre le corps sans vie de Rosalinde Miller. Au même moment, Georges Conte, le boulanger, se tue au volant de sa voiture. Le Commissaire Santino Cuffaro, dont l’arrivée récente fut remarquée dans la cité – sa compagne est transsexuelle –, est chargé d’enquêter. Au début de l’après-midi, deux jeunes désœuvrés membres d’un groupe d’extrême droite, les Fils de l’Aigle, perdent accidentellement la vie, l’un se tue à mobylette, l’autre est défenestré. Et chaque fois Melville se trouve sur les lieux…
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Les premières lignes
Melville Tournepierre pédale avec vigueur. Tenir le rythme. Respirer. La côte raidie intime de se mettre en danseuse. Point de chaussons et point de tutu pour celle-ci, cette danseuse n’est autre que la posture bien connue du cycliste adepte des ascensions. Quoiqu’un Melville en tutu pourrait être assez drôle, sourit notre facteur, c’est certain. Et pourquoi pas après tout, quelle image poétique. Comme il serait divertissant de l’admirer vêtu d’un pourpoint agrémenté de dentelles et d’une jupette de tulle, poussant avec force sur les pédales, lorsqu’il s’attaque aux pentes du col. Et une, et deux, hop. On en voit bien qui font du vélo en costume tyrolien, en pagne égyptien… Qui pédalent déguisés en Mickey ou avec le costume de Zorro. Celui-là qui passe, avec ce justaucorps arc-en-ciel – un champion du monde – ne lui manque que la jupette. Pourquoi pas une mutation de petits rats de l’Opéra en étoiles du deux-roues ? Compagnie bigarrée, portant jupette, parcourant le pays l’été, coureurs de Tour qui taillent frénétiquement la route dans des maillots chamarrés tout à leur marotte tricoteuse de kilomètres. Probabilité d’assister un jour à ce réjouissant spectacle pratiquement aussi nulle que de voir interpréter les Variations Goldberg au cornet à pistons, soupire Melville Tournepierre. Un fantôme de passage rit dans son oreille.

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Colette Nys-Mazure, accordée au vivant – Mathieu Gimenez

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Écrire la biographie de Colette Nys-Mazure est une gageure. Sa vie transparaît dans tous ses écrits. Chaque essai, chaque poème, chaque recueil de nouvelles est nourri de ses expériences. Sans entrer dans le jeu de l’autofiction, elle se livre et se laisse lire à travers ses phrases qu’elle travaille avec amour et exigence. Cette biographie, Colette Nys-Mazure l’écrit et la vit au jour le jour, ajoutant chaque année de nouveaux textes et de nouvelles expériences à une œuvre d’une richesse féconde. La figure de Pénélope s’impose ici tant la volonté de tisser des liens et de susciter des échos est présente chez l’auteure de Célébration du quotidien. Tout est lié, le vivant s’imbrique dans le vivant. Cette monographie recherche ce regard en tentant de mettre au jour le rythme intime de l’œuvre et des mots qu’il nous appartient de faire résonner.
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Les premières lignes
Quiconque voudrait comprendre Colette Nys-Mazure devrait commencer par se rendre au Mont-Saint-Aubert, de préférence un lundi de Pâques pour la Marche à Baton. Contrairement à ce que le nom de ce lieu pourrait laisser croire, ce n’est pas une montagne, ni tout à fait une colline. La Belgique n’aime pas ces hauteurs narquoises. Contemplez le Mont-Saint-Aubert et vous aurez l’impression que le paysage hausse les épaules et vous fait un clin d’œil. On vous incite à grimper. Au Mont-Saint-Aubert, il vous faut laisser le village et la rue du Reposoir pour emprunter le Chemin des Poètes. Ce petit sentier est jalonné de pierres bleues gravées sur lesquelles les promeneurs sont amenés à lire les citations des poètes de la région. Parmi elles, la voix de Michel Voiturier se fait entendre : « Chaque rencontre m’est aube ». Colette Nys-Mazure lui répond par des vœux de vie : « Célébrer les silences et leur ouvrir les ailes ». À l’issue de ce sentier, le promeneur peut rejoindre le Jardin des Poètes. Inauguré à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire de son mécène Géo Librecht, ce jardin réuni les sépultures de neuf poètes de l’association Unimuse. Il forme « un arc de cercle où viennent se placer les tombes individuelles en éventail, orientées vers la France » expliqua son mécène. Sur la dernière de ces neuf tombes, le promeneur lira ceci : « Colette Nys-Mazure 1939- / Tendre à travers mots une main Et traverser la nuit sans mourir ». Cette tombe, insolite aux yeux de certains, plaît assez à Colette Nys-Mazure qui y amène volontiers ses visiteurs. Elle y prend par ailleurs un malin plaisir qui parle à sa place. La mort fait partie de la vie de Colette Nys-Mazure. Née en 1939, elle connaîtra les horreurs de la guerre et sa violence. Elle n’oubliera jamais la douleur des femmes rasées et le retour des soldats. À l’âge de sept ans, le deuil précoce qu’elle doit porter fait d’elle une orpheline, marquée aux yeux de tous par la couleur de son vêtement. De cette période, elle gardera une angoisse chevillée au corps et un goût définitif pour la vie et ses joies. Aidée par ses proches et par la religieuse Sœur Marie Tarcisius, elle ne succombera ni à l’amertume ni à la rancœur. Elle vivra accordée au vivant.

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Les notes de Jimi H. – Thilde Barboni

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Woodstock, 1969. Manuel, un jeune guitariste surdoué, disparaît après avoir reçu une photo de Jimi Hendrix avec, en dédicace, les notes du fameux Star Spangled Banner.
Bruxelles, 2013. Sa cousine Roxane affronte, épouvantée, la disparition de son propre fils Neil, dix-huit ans, dans des circonstances troublantes et similaires.
Pourquoi Neil a-t-il fait semblant de déchirer et brûler la photo de Hendrix avant de partir ? Pourquoi ses copains protègent-ils farouchement sa « fugue » ? Jusqu’où ces jeunes sont-ils prêts à aller pour le couvrir ? Quel rôle les réseaux sociaux jouent-ils dans cette disparition ?
Roxane, désemparée et confrontée à l’inertie de la police, va engager un détective privé et fouiller dans le passé de Manuel. Son adoration pour lui l’a toujours empêchée de voir la réalité en face et a entravé toute possibilité de dialogue avec Neil.
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Les premières lignes
« Hé, vous avez entendu les news ? Votre z’héros est mort ! »
J’ai de plus en plus de mal à supporter mon fils déboulant dans la cuisine, les oreilles coiffées de protubérances grotesques, le menton en avant, les yeux plissés, les mains collées sur la porte, rabattue à grand fracas. Il occupe tout l’espace, hurle une phrase provocatrice, n’attend aucune réponse et tourne les talons.
La semaine dernière encore, je me serais précipitée pour lui arracher le casque tagué de gribouillis informes, j’aurais émis une réplique cinglante, immanquablement suivie d’un sentiment honteux de colère contre moi-même. Aujourd’hui, mon visage, mes cordes vocales sont tétanisés. Mon corps réagit à l’agression par une passivité résignée. C’est loin d’être un progrès ! Pourquoi suis-je incapable de me contrôler face à ce qui n’est, somme toute, qu’un adolescent ? Depuis qu’il m’a lancé un « Tu t’es vue quand tu gueules ? » ponctué d’un index visant le grand miroir du hall, la vision d’une femme d’âge mûr, le corps arqué, le front ridé, les lèvres pincées par les reproches, me poursuit et fige toute tentative de réaction spontanée.

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À rats qui rient, raies qui aiment – Justine Lalot

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À rats qui rient, raies qui aiment est une messe pour les morts un peu particulière. N’y seront célébrés que ceux qui se sont un jour illustrés par la stupidité de leur trépas. Un plongeur retrouvé empalé au faîte d’un sapin, une miss qui se noie dans un mètre d’eau à Knokke-le-Zoute, une violoniste à l’archet un peu trop vigoureux, etc.
Le chef d’orchestre de cette vaste fumisterie, c’est Simon Faucher. Écrivain raté, il n’a pas hérité du génie de Wolfgang Amadeus Mozart. À cent trois ans, il serait en effet présomptueux de se vanter d’un talent précoce ! Pourtant, Simon Faucher n’hésite pas à se revendiquer du musicien autri­­chien : comme Mozart, il va défier la mort, baptisée Jeanine pour l’occasion. Le vieil homme espère bien qu’en échange la grande faucheuse daignera s’occuper de son cas. Mais n’est pas Mozart qui veut…
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Les premières lignes
En ce premier avril, on pourrait croire à une blague. Pourtant ce n’en est pas une. Enfin si, mais elle dure depuis plus de cent ans. Alors elle ne fait plus rire grand monde.
Sûrement pas lui. Lui, c’est Simon Faucher. Ce premier avril 2014, il fête ses cent trois ans. Bien que « fête » ne soit pas le terme le mieux choisi ; « subit » serait plus adéquat. Si je m’évertue à le préciser, c’est parce qu’à cent trois ans, on n’a plus vraiment envie de s’ennuyer avec des bêtises. Or, ce qui se passe ce 1er avril 2014 n’est rien d’autre qu’une pitrerie. Une pitrerie énorme, certes, mais rien de plus.
À cent trois ans, Simon Faucher n’attend plus rien de la vie. Il attend par contre la mort avec une impatience peu dissimulée. Thérèse, sa merveilleuse Thérèse, ses mains délicates, son sourire, ses lèvres fines, l’attendent au-delà du Styx depuis cinq ans déjà. Cinq longues années passées à se morfondre, à se dire chaque matin au réveil que son heure est venue ; à constater avec dépit au coucher qu’il n’en est rien. Car, malgré ses multiples sollicitations, Simon Faucher ne peut que déplorer le fait que Jeanine – c’est comme ça que, dans son intimité, il a baptisé la grande faucheuse – ne vient pas. Jeanine le fuit même comme la peste et toutes les autres maladies qui, dans le meilleur des mondes, auraient déjà eu raison de lui. Et ça le déprime, Simon Faucher, vous ne pouvez même pas imaginer à quel point ça le déprime !

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Une Symphonie Or – Philippe Cantraine

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Juin 1940. Les réserves d’or de la Banque Nationale de Belgique, confiées à ce qui est encore la République française, et embarquées dans l’urgence pour le Canada, son allié, sont aussitôt détournées vers la colonie d’Afrique-Occidentale française par le gouvernement de Vichy. En octobre, la conférence franco-allemande de Wiesbaden s’accorde sur la cession de l’or belge à l’Allemagne, pour financer son effort de guerre, et le renvoi des caisses à Berlin.
Les autorités de l’AOF exécutent sans rechigner le plan convenu. Cependant, les Anglais surveillent l’océan. Le transfert prendra dix-huit mois et vingt-quatre convois avant que la totalité des deux cent vingt tonnes d’or gagnent Alger par le fleuve Niger et par le Sahara, avant d’atteindre la capitale du Reich.
Dès lors, que font ces inspecteurs allemands des devises sur les flancs des convois ? Préparent-ils autre chose ? Georges Cartuyvels, géologue dans la colonie belge du Congo, collectionneur d’art africain et qui plus est anticolonialiste, est enrôlé pour la bonne cause et va tenter de le savoir…
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Les premières lignes
« Y a-t-il encore des difficultés pour l’or belge ?
– Oui ! répondit Bouthillier sèchement. La position allemande n’est d’ailleurs pas défendable… » La question de l’or belge, dès octobre, les nazis l’avaient abordée, à Wiesbaden, lorsqu’il fallut discuter des conditions de l’armistice. L’occupant allemand y étalait ses griefs à l’endroit de la Belgique emportée en dix-huit jours, mais dont le gouvernement, désolidarisé du roi, poursuivait à Londres la lutte.
Le vice-président du Conseil ne laissa pas passer. Il répliqua vertement : « Il ne s’agit pas de savoir si elle est défendable, mais si ma politique exige que je leur donne satisfaction. Je ne vous dis pas que cela sera fait. Je vous dis que c’est fait ! »

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Alice et l’homme-perle – Valérie Cohen

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Alice, Juliette et Gisèle partagent leur quotidien dans une Résidence pour sexagénaires argentés de Saint-Germain-en-Laye. Lorsqu’elle commence à oublier la couleur des yeux d’un ancien amant, Alice sombre dans une profonde mélancolie. Hormis son époux décédé, Diego est le seul homme qu’elle ait jamais aimé. Pourquoi vivre encore si l’essentiel lui échappe ? Ses amies lui organisent alors un voyage surprise à Séville avec l’objectif inavoué de retrouver Diego. Un professeur de dessin taiseux, un juge vieux garçon et la sulfureuse directrice de la Résidence les accompagnent. Un périple cocasse, durant lequel leur propre histoire s’invite. Tout comme leurs désirs, leur envie d’oser de nouvelles routes. Leurs peurs aussi…
Disponible chez votre libraire à la mi-février

Les premières lignes
Rome, 18 avril 1985
Congrès de Neurochirurgie
Chère Alice,
Je suis vraiment ravi d’avoir fait votre connaissance. D’ordinaire, les congrès médicaux sont bien plus ennuyeux et se promener dans Rome en votre compagnie a été un moment fort agréable. Je vous rends votre guide touristique oublié dans le taxi.
Si Arthur n’y voit pas d’inconvénient, je serais heureux de vous « emprunter » à nouveau, vous et votre guide, demain après-midi pour visiter la Villa Borghèse. Je vous attendrai à seize heures à la réception de l’hôtel.
Amicalement,
Diego Silva
(message laissé à la réception de l’Excelsior Congress Hotel pour Alice Romain)

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