Archives de catégorie : Publications

Colette Nys-Mazure – Enfance portative

Souvent mère et grand-mère, enseignante de longue haleine, Colette Nys-Mazure demeure marquée par l’expérience de Haute enfance: la disparition précoce de ses parents et des repères naturels des premières années. Peut-être est-ce pour cela qu’elle reste en connivence avec les secrets de l’aube. Poète, nouvelliste, essayiste, elle a reçu en 1990 le Grand Prix de Poésie pour la Jeunesse et en 1996 le Prix de Poésie Max-Pol Fouchet pour Le For intérieur.

«Au noeud de notre vie, cette veilleuse: l’enfance ne se fait jamais lointaine, ni la nôtre, ni celle des autres. On s’y enracine et on l’emporte partout avec soi. On voudrait y rester fidèle, traverser la vie avec l’aisance grave des dix ans, sans jamais laisser s’appesantir sur soi le sérieux des grandes personnes, le désir de confort, le soupçon, la malveillance. […] ce recueil-ci […] brasse en effet alternativement humour, voire ironie et drame, lyrisme et fantaisie, réflexion et défou-lement, profondeur et superficialité.» [Michel Voiturier, Le Courrier de l’Escaut]

Les premières lignes
Entre pointe du jour et nuit d’encre,je me taille au vif de midiune bonne tranche de jeux et de fugues. Je chipe à l’ennui des tartines de soleil bis, confiture-fête-framboise,tout le miel des prairies. Dans la poche mon casse-croûte pour la vie. [l’optimiste]*Maman a décrété: je ne lave plus les mouchoirs. Cela prend trop d’huile de bras, de poudre à lessiver et de temps à repasser. Elle achète des mouchoirs en papier. Oui, mais moi, je me mouche dans mes doigts, j’ai des boules moites au fond[des poches et rien pour pleurer. [le progrès]*

Pierre Coran – L’Horizon n’est pas la mer

Au milieu de la marée de recueils informes qui nous submergent, il fait entendre un chant structuré autour d’un mètre précis et d’échos sonores très simples qui charment le lecteur en lui donnant l’impression d’entrer plus facilement dans la vision de l’auteur. Jacques Charpentreau, Page de garde, Maison de Poésie

Les premières lignes
Acte un
Le sac et la cordeIl est entré en lui
Sans rencontrer de porte.
Aussitôt, son ennui
Tel un pan de peaux mortes,
De vernis sous eau-forte
S’écailla, se flétrit.
Ses pensées grésillaient
Comme une pluie de sable
Sur un pont de voilier,
À quai, par vent du diable.
Il se savait ovale,
Encroué d’habitudes
À l’image des squales
Sevrés de servitude.
En butte aux préjugés,
Aux vanités croissantes,
Aux vagues dé fer lan tes,
Il tangua, démâté.
Au tollé des tempêtes,
Il élima ses rênes.
Eût-il vaincu la bête
Qu’il eût maudit l’arène.
De l’étrave aux traverses,
Son esprit chavira. […]

Carlo Masoni – Le Silence des autres

«L’ensemble du recueil est baigné dans [une] ambiance sobre, amusée et proche des petits riens qui pleurent au détour d’un regard. On n’entend guère pareil langage littéraire ces temps derniers. Simple et tendre, on aime l’entendre, la chanson étrange des silencieux…» [Pascale Haubruge, Le Soir]

Les premières lignes
Thérèse aurait eu deux ans aujourd’hui. Je suis allé au cimetière, comme chaque semaine. Je n’y prie pas : quels mots oser sur la tombe d’un enfant ? Mais je dépose sur le granit une rose ou un oeillet. Vous comprenez, c’est comme un peu du sourire de Dieu qui luit ainsi sur son sommeil. Je l’avais attendue, cette enfant. Nous étions mariés depuis près de trois ans. Les médecins consultés nous avaient rassurés: ne soyez pas impatients… Nous l’étions. Je l’étais. Et Solange aussi. Du moins je le pensais.

Jean-Luc Geoffroy – Miserrances

«Interpellé en permanence par la traversée du miroir, Jean-Luc Geoffroy fouille dans ses fantasmes, dans ses illusions, avant d’accoucher aux forceps de […] «Miserrances», un recueil d’histoires fantastiques où la vie balance son lot de misères à travers nos errances.» [Gérard Oestreicher, Le Républicain lorrain]

Les premières lignes
Ceux qui n’ont jamais pressé un coeur entre leurs mains nues, comme on fait d’un citron ou d’une orange aux étés de grand-soif, ne pourront comprendre les brûlures entre mes doigts, les taches brunes indélébiles serties au bord de mes lunules. Ils ne sauront jamais ce qu’est le vrai jouir. Le coeur de Pamela. Il y avait dans le regard de Francis une lueur ambiguë. À la fois une satisfaction intense, et une sorte de doute grinçant. Sa main serrait, comme un bien précieux, une petite boîte noire cylindrique fermée d’un couvercle cannelé bleu. Il la posa sur la table du labo, côté «sec», près de […]

Carino Bucciarelli – La Main

Carino Bucciarelli est né en 1958 à Charleroi. Poète remarqué pour l’originalité de son oeuvre, il vit toujours dans cette région. Après la Main, roman où la frontière entre le merveilleux et le réel n’existait pas, Carino Bucciarelli nous plonge, avec ces nouvelles, dans un tourbillon de situations insolites. En des lieux aussi précis qu’imaginaires, des personnages fantasques, et pour tout dire grotesques, se cherchent, se piègent, s’aiment et se combattent. Un tableau de nos folies.

[…] dans ce monde imaginaire, les animaux parlent, rusent, trompent, se méfient, se protègent des humains. Livre dense, tenu de bout en bout sur le fil escarpé du merveilleux, La Main est une authentique réussite révélant un imaginaire original.Michel Paquot, Vers l’Avenir

Les premières lignes
L’étranger pénétra dans le village. Derrière lui un chariot caracolait d’un trou à l’autre sur la rue principale. Les roues gravissaient lourdement les pierres arrondies sortant tels des crânes de la terre battue, puis retombaient d’un grand mouvement du chariot tout entier. Les premières maisons, dans la lumière du soir, semblaient désertes malgré une lueur à l’une ou l’autre fenêtre.- Je suis arrivé, murmura-t-il entre ses dents, personne ne m’attend, ils pleureront quand je partirai.Il s’arrêta au milieu de la rue, se cabrant vers l’arrière pour freiner son chariot.- Oh là l’enfant ! […]

Vincent Magos – Terminus Ganodo

Quand il apprend sa maladie, Xavier préfère se retirer à Ganodo, un coin perdu d’Afrique. Le présent est enfin là, dans les rencontres avec les enfants du port, avec Zoltan, le pianiste-voyageur ou avec Delphine Sur la terrasse, dans sa chaise longue, il se souvient de celles qu’il a aimées: Ingrid, Lola, Julie Mais ont-elles vraiment existé? ou était-ce en lui qu’il s’enfonçait au plus profond de son clair-obscur? «Habité par le plaisir de la lecture et la quête obstinée d’un introuvable mais entêtant parfum à la tomate, Terminus Ganodo puise, dans des détails de ce genre, une cohérence qui compense à la perfection le désordre dans lequel se présentent les images du passé, mêlées en outre à celles du présent. Tout se chevauche avec, osons le mot, une allégresse qui ressemble fort au goût de la vie!» [Pierre Maury, Le Soir]

Les premières lignes
‘Round Midnight, le saxophone de ma mémoire me mène au-delà des pénombres, le rhum m’aide à franchir la nuit. Encore un verre. Oui, retrouver cette tête qui tourne; encore un verre, et qu’elle tourne, tourne, vole… pour émerger vivante au petit matin. Ou alors, ne pas réaliser que je me perds à jamais. Enfin loin. Enfin seul; je suis heureux d’être parvenu à te quitter, Jane. Je suis soulagé d’en avoir eu le courage. Sans doute aurais-tu préféré que je t’entraîne dans ma chute… De notre rencontre jusqu’à mon départ, tout a été si vite.

Françoise Houdart – … née Pélagie D.

«Françoise Houdart, dont on sent qu’elle vit dans ses tripes […] la lente marche de Pélagie à la rencontre d’elle-même, décrit avec beaucoup de finesse les hésitations secrètes, ces élans mêlés de retenue, de la vieille dame. Pélagie, qui se fait tellement prier pour raconter un peu d’elle-même à ce vieil inconnu. Pélagie qui sent pourtant, sans vouloir se l’avouer, que cette rencontre lui fait du bien. Pélagie qui, après une vie dans l’ombre, découvre qu’elle peut épater…» [Claire Bortolin]

Les premières lignes
J’ai osé… ! Comme c’est curieux ! Comme c’est étrange de s’entendre prononcer ces mots-là… ! Les entendre dits de sa propre voix… différente pourtant, oui si profondément différente de celle qui m’habite depuis toujours, que je la sens étrangère à moi-même, étrangère à la voix qui me souffle les répliques, celle qui pose des mots sur mes gammes muettes, dans les bulles vides de mes dessins inanimés, mes apnées, mes absences. Je ne suis pas déçue, pas vraiment… N’est-ce pas ainsi que l’on découvre la voix de sa mère de ce côté-ci de la vie ? Ce n’est pas la première fois que j’ […]

Jean-Jacques Didier – L’Écran

«C’est évident, ça saute aux yeux […] : tout le roman de Jean-Jacques Didier est imprégné de cinéma, fait l’éloge du cinéma, respire, transpire le cinéma. […] c’est un véritable délice de bout en bout […]» [Geneviève Bergé, Indications]

Les premières lignes
Quand je me revois il y a dix ans, je suis G.C. dans La Loi du Seigneur, de William Wyler. Me voici dans la scène capitale de la blessure. Secondes inoubliables. Mais observez bien ceci : G.C. vient d’être touché par une balle. Il s’écroule : blessure circulaire, le sang coule.Caméra sur son agresseur qui s’approche.Retour sur G.C. qui fait le mort : la blessure est cette fois horizontale, sèche et propre.G.C. se redresse et poursuit l’ennemi qui s’éloigne : blessure saignante, en étoile.Erreurs en cascade de la scripte ?- Véra, grogne W.W., j’aimerais revoir avec vous la scène de la […]

Jean-Jacques Didier – L'Écran

«C’est évident, ça saute aux yeux […] : tout le roman de Jean-Jacques Didier est imprégné de cinéma, fait l’éloge du cinéma, respire, transpire le cinéma. […] c’est un véritable délice de bout en bout […]» [Geneviève Bergé, Indications]

Les premières lignes
Quand je me revois il y a dix ans, je suis G.C. dans La Loi du Seigneur, de William Wyler. Me voici dans la scène capitale de la blessure. Secondes inoubliables. Mais observez bien ceci : G.C. vient d’être touché par une balle. Il s’écroule : blessure circulaire, le sang coule.Caméra sur son agresseur qui s’approche.Retour sur G.C. qui fait le mort : la blessure est cette fois horizontale, sèche et propre.G.C. se redresse et poursuit l’ennemi qui s’éloigne : blessure saignante, en étoile.Erreurs en cascade de la scripte ?- Véra, grogne W.W., j’aimerais revoir avec vous la scène de la […]

Jaques De Decker – En lisant, en écoutant

«[…] autant d’approches vivantes de géants de la littérature mondiale [P. Highsmith, W. Styron, J. Updike, J.C. Oates, A. Burgess, G. Steiner, U. Eco, J. d’Ormesson, M. Tournier, Cl. Simon]. Une façon de faire passer le bonhomme pour aller droit au coeur de l’oeuvre.» [Ghislain Cotton, Le Vif / L’Express]

Les premières lignes
Le journaliste littéraire, de nos jours, n’a pas à se plaindre. Il fut un temps où rencontrer un écrivain majeur, même lorsque l’on représentait un journal important, était toute une entreprise. Il fallait montrer patte blanche, contourner des obstacles, pour finir par décrocher un entretien qui n’en prenait, il est vrai, que davantage de valeur. Aujourd’hui, la tâche est plus que facilitée au reporter en terres littéraires.

Anne-Claire Cornet – Yol

Née en 1960, Anne-Claire Cornet est professeur d’anglais à Bruxelles. Elle a fait ses débuts romanesques en 1996. Tous ses titres figurent au catalogue des Éditions Luce Wilquin : «Yol» (1996), «Nacre et ambre» (1998), «Aimer Marie» (1999), «Isabelle dansait» (2003) et «Île et elles» (2004)

«Il y a la narratrice, jeune femme fragile et pleine d’espoir, et le déroutant Joël, devenu Yol, aveuglé par l’amour de la musique au point qu’il en perd toute attention au monde extérieur.[…] Un récit profondément féminin, poétique et riche de sensibilité.» [Marc Baronheid, Week-End Le Vif / L’Express]

Les premières lignes
Yol, Je rêve de toi, je pense à toi, je rêve de toi, je pense à toi… Il faudra qu’un jour je te raconte cette joie un peu folle de te savoir dans l’école, les filatures dans les couloirs, les coups au coeur pour des petits riens immensément merveilleux : ton pull oublié sur une chaise, une voiture de la même couleur que la tienne sur la route, ton nom entendu ici ou là… Me croiras-tu si je te dis le frisson qui m’a parcourue avant même de te voir pour la première fois ? Il y avait quelque chose dans l’air, une transparence, une impression de baiser dans le cou. Les visages familiers […]

Jacques Cels – Le Déjeuner de Paestum

Ecrivain depuis vingt ans (il a commencé très jeune!), Jacques Cels a publié des poèmes, des essais («L’exigence poétique de Georges Bataille», «Henri Michaux», «Le bathyscaphe»), des pièces de théâtre («Montaigne au château de Gournay», «Érasme et les abeilles»), ainsi que – chez Luce Wilquin – des nouvelles («Les îles secrètes» en 2000) et des romans («Le cloître de sable» en 1998 et «La poudrière» en 2002).

«On voit bien les modèles qui aimantent ce Déjeuner de Paestum : pour le style, […] on songe à Mérimée, à Fromentin, à Gobineau surtout ; pour les enjeux, on pense aux romatiques allemands […]. Le charme de ce roman consiste […] à intriguer, à amuser, à surprendre, à désarmer quelquefois par son innocence étonnamment préservée.» [Jacques De Decker, Le Soir]

Les premières lignes
Ce matin, pour la première fois depuis le début de notre vie commune, j’ai menti à ma femme. Au téléphone, que l’on est venu placer dans ma chambre hier après-midi, je lui ai répété qu’ici, à Bruxelles, tout allait bien, que la vie suivait son cours sans incident, que je l’attendais avec une impatience d’amoureux débutant. À ce propos, elle m’a prié de ne pas aller la cueillir à l’aéroport. Le jour de son retour demeurait bien celui fixé depuis longtemps, mais elle ne savait encore rien quant au vol qu’elle choisirait. Débarquant tôt le matin ou tard dans la soirée, elle prendrait […]