Archives de catégorie : Publications

Luc Baba – L’eau claire de la lune

Enseignant, animateur d’ateliers d’écriture, comédien et chanteur amateur, Luc Baba (qui avait renoué avec ses lointaines origines tziganes dans son deuxième roman) est très proche des jeunes adultes, dont il réussit à transposer le monde par la magie de son écriture. Remarqué dès son premier roman, «La cage aux cris» (Prix Pages d’or 2001 en Belgique), Luc Baba a depuis lors confirmé son talent d’écrivain avec «de la terre et du vent». Ce troisième opus devrait lui ouvrir un public plus large encore.

«J’écrirai prudemment. J’écris pour la première fois.» Qui dit cela? Un ange… eh oui, un ange décide pour la première fois de raconter l’histoire de Loula et de Noé. Pour Noé, quand il sera grand, et pour tous les autres enfants de la terre. Car, j’oubliais,… les anges viennent de la lune. L’ange se reposait au bord de la mer (eh oui, les anges aussi ont le droit de se reposer entre deux missions) quand il a aperçu Loula pour la première fois. Loula, quinze ans à peine, et tout juste enceinte… Loula, qui lui demande de veiller sur Noé, son fils à naître… et sans doute aussi un peu sur elle, encore si proche de l’enfance et un peu perdue dans ce monde d’adultes.

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Les premières lignes
J’écrirai prudemment. J’écris pour la première fois. Les anges n’écrivent pas, d’habitude. Ils chuchotent quelque part, en catimini. Ecrire, pour les anges, c’est interdit. Si tu savais combien nous connaissons d’histoires secrètes! Seulement, quand je murmure à l’oreille du kako : – Ah, si les enfants savaient cela… Il se fâche : – Ils ne le sauront pas! Point final! Je n’aime pas tellement les points finaux.

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Issa Aït Belize – Nounja, à la folie…

Marocain et belge à la fois, Issa Aït Belize a passé son enfance dans un Rif encore profondément marqué par l’empreinte de l’occupation espagnole. Après des études secondaires à Rabat, il a suivi des études supérieures en Belgique, se spécialisant dans le domaine économique. «Nounja à la folie…» est son deuxième roman, après «La chronique du pou vert» (2001), également paru aux Editions Luce Wilquin.

Dans une ville berbère de la Méditerranée, à la fin des années cinquante, un gamin désœuvré est intrigué par l’un des nombreux fous qui arpentent les rues en marmonnant, et il commence à le suivre pendant ses vacances pour comprendre le secret de sa folie. Lhadja (qui s’appelle en fait Noureddine) n’est pas de ces fous dangereux ou violents, et il ne mendie pas. Il est propre et rasé de près. Mais voilà… il se promène avec un objet long qu’il dissimule sous sa djellaba. Au fil de leurs pérégrinations dans la ville et des questions posées à de nombreux adultes, le narrateur et son copain Omar vont finir par découvrir la belle et triste histoire d’amour de Noureddine et de Nounja.

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Les premières lignes
Lhadja n’était pas de ces fous dangereux ou violents et, fait rarissime, il ne mendiait pas non plus. Il était passablement propre; parfois, on le voyait même rasé de près et habillé de neuf. Il se promenait presque toute la journée sur les boulevards. Il lui arrivait de parler tout seul et, je dois l’avouer, de crier sans raison apparente un chapelet d’insanités dont les fous n’ont d’ailleurs pas le monopole. Jusque-là, rien d’extraordinaire; il nous arrive à tous de marmonner et de nous promener sur les boulevards, mais voilà… Lhadja se promenait avec un objet long qu’il dissimulait sous sa djellaba, à croire que cela lui était indispensable pour mener sa carrière de fou dans notre ville berbère au bord de la Méditerranée.

Alain van Crugten – Korsakoff

Professeur de littérature comparée et de littératures slaves à l’Université libre de Bruxelles, Alain van Crugten s’est longtemps cantonné à la traduction littéraire, publiant en français les œuvres théâtrales et romanesques de Witkiewicz, divers romans de Hugo Claus (dont le Chagrin des Belges) et son théâtre, d’autres auteurs polonais (Mrozek), russes (Zinoviev), tchèques (Capek), anglais et néerlandais (Tom Lanoye). Sur le tard, il s’est lancé dans le théâtre (huit pièces), puis le roman (Des fleuves impassibles, Spa si beau et maintenant Korsakoff).

Le narrateur est atteint du syndrome de Korsakoff, les vingt ou trente dernières années de sa vie ont disparu de sa mémoire, et il compense cela par une fantastique activité de fabulation. C’est dire qu’il peut avoir (ou non!) inventé une partie de sa jeunesse, mais que tout son âge adulte est résumé en des récits fabulés qui ont plus ou moins de cohérence. Alors vraie, la perte du pucelage à 13 ans sur un lit de roses? Vraie, sa participation à l’assassinat de John Kennedy? Vraies, ses missions dans les pays de l’Est? Ses rencontres avec des stars de Hollywood dans un hôpital?

Les premières lignes
Plus européen tu meurs. Polonais par ma mère, néerlandais par mon grand-père, corse par ma grand-mère, je suis né dans un faubourg de la future capitale européenne, un faubourg au surprenant nom germanique qui signifie Ruisseau-de-pus. J’ai revu à l’âge mûr ma clinique natale, qui portait, quant à elle, le nom d’un philanthrope baron banquier: en constatant l’état des lieux, je ne fus plus étonné: le pus devait vraiment y ruisseler, sinon cascader dans les escaliers. Léon van Cureghem, mon père, avait, selon la tradition familiale et l’histoire non écrite, fait la connaissance de Charlotte Karmazyniella Thomm par une soirée bruyante de kermesse.

Harry Pearson – Un géant au Plat Pays

Harry Pearson vit dans le Comté de Northumberland (Grande-Bretagne), dans un ancien bureau de poste victorien restauré amoureusement avec Catherine, sa compagne, héritière du producteur de bonbons à l’anis Barraclough, Maisie leur fille et deux persans bleus baptisés Tchekhov et Dai. La petite famille est insensible aux bienfaits discutables de la radio et de la télévision, et préfère donc passer les soirées en se réunissant autour de l’épinette pour chanter des lieder de Schubert. Un géant au Plat Pays est le premier ouvrage de Pearson traduit en français.

Depuis 1995, Harry Pearson a fait de longs séjours en Belgique, un pays que les Britanniques trouvent généralement ennuyeux. Il a assisté à des courses cyclistes, des matchs de football, des fêtes de la bière et des combats de coqs. Il a risqué sa vie à cause d’installations électriques bricolées et sa santé mentale dans des maisons de location à la décoration étouffante. Sans compter d’innombrables autres péripéties avec la bureaucratie ou les gardiens de musée… Il raconte tout cela ici, avec cet humour décalé dont seuls les Britanniques ont le secret. C’est le Peter Mayle du Plat Pays!

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Les premières lignes
Catherine, ma compagne, et moi-même avons traversé la frontière entre la Hollande et la Belgique à 10h48, un matin de grisaille du mois de mai 1997. Il pleuvait, mais cela n’avait guère d’importance. Quand vous débarquez dans un pays étranger, tout vous semble passionnant, même le mauvais temps. Vous vous émerveillez devant la forme des cheminées, la couleur des plaques d’immatriculation ou l’étrange façon d’écrire le chiffre 1 en l’inclinant. Par contre, il y a aussi de quoi déconcerter. Pas moyen de découvrir où se cache le lait dans les supermarchés. Il faut un temps fou pour trouver le bon quai dans le métro et, quand vous y parvenez, la rame démarre sans vous parce que vous n’arrivez pas à ouvrir les portes.

Collectif – Justine ou les fortunes de la vertu (Marginales n°251)





Avec des textes inédits de Chantal Boedts, Alain Brezault, Huguette de Broqueville, François de Callataÿ, Yves Deleu, Laurent Demoulin, Jean-Pierre Dopagne, Roger Foulon, Jean Jauniaux, Philippe Jones, Andreï T. Knigovoï, Françoise Lison-Leroy, Jean-Pierre Orban, Jean-Luc Outers, Monique Thomassettie, Michel Torrekens, ainsi que Philippe-Louis Champbon, Ludovic Flamant, Claude Javeau et Vania Leturcq
… Il s’agit de Justine Henin, bien sûr!

Les premières lignes
En ce samedi de juin 2003, ce rectangle de terre battue fut, pour des millions de spectateurs, beau comme une orange. Moins pour la poignée de privilégiés qui avaient trouvé place autour des terrains que pour les innombrables témoins massés devant leurécran. Premier renversement qu’illustre le phénomène. La vision médiatisée, désormais, l’emporte largement sur la vision immédiate. L’oeil humain a beau pouvoir balayer du regard, ajuster sa vue, préciser sa visée, il doit baisser les armes devant la captation ubiquitaire de la batterie de caméras orchestrée par une régie suprêmement maîtrisée.

Collectif – L’heure du leurre (Marginales n°250)





Avec des textes de: C. Norac, V. Bergen, I. Bokman, E. Brogniet, X. Hanotte, F. de Callataÿ, J. Cels, G. Compère, G. Dal, Y. Wellens, L. Dellisse, L. Demoulin, R. Foulon, O. Ganz, K. Görgün, M. Lambert, J.-B. Baronian, J.-P. Orban, J.-L. Wart, L. Schraûwen, A. Bosquet de Thoran, M. Torrekens, D. Simon

Les premières lignes
Personne n’avait osé croire qu’en fait de manipulation des événements, il était possible d’aller plus loin que la guerre du Golfe. Or, la guerre en Irak a été un festival de subterfuges en tous genres, où les rhétoriques les plus diverses ont été convoquées pour emballer le rapt d’un territoire essentiel dans le grand jeu de monopoly de la mainmise sur le monde. Ce désastre est au coeur d’un numéro qui devrait à bien des égards faire date.

Claudine Houriet – L’étoffe des songes

Claudine Houriet est née en 1944 à Tramelan. Mère de trois enfants et grand-mère, elle a enseigné quelques années avant de se consacrer à l’écriture et à la peinture. Son premier roman, «Ressacs», est paru en 1988. Tous ses titres, sauf le premier, figurent au catalogue des Éditions Luce Wilquin : «Saisons premières» (roman, 1989), «Le rire des Parques» (nouvelles, 1991), «L’invitation de l’ange» (nouvelles, 1995) et «Le ravaudage de l’âme» (roman, 1998, Prix de littérature française du canton de Berne)

Après un chagrin d’amour dévastateur, Léo a tourné le dos à des études brillantes pour devenir barman à Paris. Et pendant quarante ans, il a écouté ses clients lui raconter leurs joies et leurs peines, jusqu’à en oublier la vacuité de sa propre existence. Il les a toujours écoutés avec patience et indulgence. S’identifiant à eux pour échapper à des souvenirs douloureux. Vivant en quelque sorte par procuration. À l’heure de la retraite, ces vies d’emprunt le désertent, et il se retrouve seul face au désert de ses journées. Acculé, il trouve une échappatoire à ce vide qui l’entraîne vers l’abîme en s’inventant une histoire, une famille, des responsabilités.

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Les premières lignes
Où avait passé le bourdonnement continu qui l’habitait ? Ces voix qui parlaient de ruptures, de malheurs, de joies, de soucis d’argent ? Ces confessions innombrables reçues derrière son bar, pendant tant d’années ? Léo servait les consommations, essuyait les verres, rangeait son comptoir. Et il écoutait. Ses jours avaient été remplis à ras bord de la vie des autres. C’était tellement plus simple, plus confortable. Sa propre existence reléguée à l’arrière de la scène, parmi les accessoires inemployés. Empoussiérée. Inoffensive. Tous les sentiments, tous les états d’âme que peut éprouver l’être humain, il les avait recueillis comme une manne nourricière.

Anne-Claire Cornet – Isabelle dansait

Née en 1960, Anne-Claire Cornet est professeur d’anglais à Bruxelles. Elle a fait ses débuts romanesques en 1996. «Isabelle dansait» est son quatrième roman. Tous ses titres figurent au catalogue des Éditions Luce Wilquin : «Yol» (1996), «Nacre et ambre» (1998) et «Aimer Marie» (1999).

Lara va mal. Sourire mouillé, regard absent. Isabelle, sa sœur, son double, accourt près d’elle. Lara se suicide. Isabelle est là, veille à tout. À la petite Babou, surtout. Mais Simon, le mari de Lara, préfère fuir son chagrin de l’autre côté de l’Océan, avec Babou et les jumeaux. Et Isabelle se retrouve seule face à ses interrogations. Heureusement, il y a Pierre. Pierre, son ancre clandestine, celui avec lequel elle se sent tout simplement bien. Et qui l’amènera lentement à une forme de sérénité. Une sonate à la douce gravité qui, à travers quelques ombres et beaucoup de lumière, nous dit ce bien qui est plus grand que nous : la force d’aimer.

Les premières lignes
Ce jour-là, Lara avait tendu la pièce de tissus brillants, allumé mille bougies, disposé les tables basses en demi-cercle autour du trône doré et parsemé l’air de pétales, de confettis et d’étoiles… Lara, c’était la magicienne des fêtes, leur lumière, leur musique. Et cette fête-là était toute spéciale : sa petite sœur Isabelle avait dix ans… « Tu te rends compte, Isa. Plus jamais un anniversaire à un chiffre ! » Isabelle aurait voulu regarder par le trou de la serrure, mais Lara avait dit : « C’est ma surprise, mon cadeau pour toi, ne triche pas. » Et Isabelle avait attendu qu’Éléa et toutes les autres arrivent : « Vous allez voir, avait-elle prévenu, très fière, ma grande sœur, c’est une magicienne !… »

Christophe Van Rossom – Jacques Crickillon, la vision et le souffle

Spécialiste des questions de poétique moderne et contemporaine, Christophe Van Rossom est agréré en philosophie et lettres. Il enseigne la littérature contemporaine et la littérature belge. Conférencier, il a publié de nombreux articles et études dans des revues et des volumes collectifs, ainsi qu’un essai sur Mallarmé et un choix de ses notes critiques.

Cette première monographie de la collection L’œuvre en lumière est consacré au poète Jacques Crickillon. Cet écrivain né en 1940 est à ce jour l’auteur d’une généreuse trentaine de livres. Entré en poésie en 1968, avec La Défendue, il posait dès les premiers mots du livre les bases de ce qui allait s’avérer un véritable séisme affectant un territoire littéraire fort tranquille et somme toute très routinier, en dépit des logogrammes d’un Christian Dotremont ou des salubres ivresses volcaniques d’un Marcel Moreau.

Les premières lignes
Né le 13 septembre 1940, Jacques Crickillon est à ce jour l’auteur d’une généreuse trentaine de livres. Poète avant tout, il est aussi l’auteur de nombreux récits et d’un roman. Il est encore dramaturge et créateur de dramatiques radiophoniques. Critique, il s’intéresse avec une curiosité peu commune tant à ce qu’il est convenu d’appeler la littérature générale qu’aux littératures des marges: romans policiers et romans noirs, mais aussi romans d’anticipation.

Françoise Houdart – Textes pour la gisante

Françoise Houdart est née dans le Hainaut belge, à l’ombre des terrils. Mère de trois enfants adultes, elle enseigne l’allemand à l’École Normale de Mons. Plusieurs de ses romans sont lus dans les classes belges du secondaire, dans lesquelles l’auteur est souvent reçue. Du même auteur : «La vie, couleur saison» (1990), «La part du feu» (1991), «Camino» (1993), «Quatre variations sur une fugue» (995), «…née Pélagie D.» (1996, Prix Baron de Thysebaert), «Femme entre quatre yeux» (1997) et «Belle-Montre» (2000)

La narratrice se souvient, dans l’après, de son corps de gisante. D’un geste, d’un ultime baiser, d’un mot déposé sur le front de marbre poli, si proche de la chair encore… Elle contemple déjà celle qui sera sa gisante. Elle n’est personne. Juste cela : la demeure exposée d’une vie arrêtée. Et les visiteurs, avec leurs mots frileux, leurs mains nouées par le peur de toucher, avec leurs larmes et leur farouche instinct de survie, passent à son chevet de silence. Mais que disent-ils ? Que taisent-ils ?

Les premières lignes
Entendez… Qui parle? Qui se tait? La veilleuse ou la veillée? La première n’est-elle pas à la veille de l’autre? La fille n’est-elle pas à l’orée de la mère à l’instant où naître et mourir se confondent en l’état d’entre-deux, dont ni l’une ni l’autre ne se relève telle qu’en y entrant? Lisez…

Véronique Bergen – Rhapsodies pour l’ange bleu

Essayiste, Véronique Bergen a publié un essai sur Jean Genet chez De Boeck et sa thèse sur Gilles Deleuze, récemment défendue avec brio à la Sorbonne, à L’Harmattan. Elle est aussi poète, auteur de plusieurs recueils parus dans une maison d’édition belge plutôt confidentielle. «Rhapsodies pour l’ange bleu» est son premier roman. Elle vient de terminer l’écriture d’un deuxième et s’attelle déjà au troisième…

La Femme est déchirée entre son amour pour Michèle et son amour pour l’Ange… lequel finit par succomber au charme de Michèle. Un triangle classique ? Non ! Car les trois protagonistes sont des femmes… Et des femmes cultivées, nourries de poésie, d’art et de musique. La narratrice (la Femme) cite Heidegger, Celan, Rilke, Mann, Faulkner, etc. mais aussi Debord et Vaneigem, admire Fra Angelico, l’opéra, Martha Argerich et Samson François, Bach et Mahler, Visconti et Pasolini. Elle brûle d’amour à Venise, manifeste à Gênes pendant le Sommet, exulte en été, pleure en automne, fait l’amour pendant le Carnaval, sur le sable ou dans les champs…
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Les premières lignes
De sa fenêtre, elle regardait l’amour passer en plein ciel, arrêter sa course de brefs instants, monter à la verticale jusqu’à ce qu’il ne fût plus qu’un point infime. Tout ce qui voltigeait devant ses yeux – nuages bas de forme oblongue, poignées de feuilles envolées, grappes d’oiseaux querelleurs – portait la couleur de cet amour pèlerin sous le charme duquel elle était tombée. Des heures durant, elle tricotait et détricotait sa toile, à l’affût des anicroches susceptibles de la déchirer, et en ce labeur, tout de songes et de fantasmagories, elle devenait la vagabonde aux poches trouées, dont le sourire perlant aux lèvres n’avait de cesse de séduire l’habitant du ciel.

André Sempoux – Le bol à moustaches

Fondateur d’un Centre universitaire d’études italiennes, jeune retraité de l’université, André Sempoux est poète, nouvelliste et romancier. Très (trop!) discret, cet homme cultivé et d’une générosité inhabituelle, offre ici un nouvel «appel au partage de l’indicible», pour reprendre les mots du critique Jacques De Decker à propos de «Torquato».

Le Golem vient au secours d’un chercheur menacé par l’entreprise sauvage, un Orphée d’aujourd’hui arrache son secret au maître des enfers, un fasciste impénitent ne cesse de ravager la vie de son fils… Le romancier de Torquato, l’ami d’un autre temps (paru en février 2002 chez Luce Wilquin) croise dans les douze récits du Bol à moustaches la poésie des mythes éternels avec une Histoire brûlante d’actualité (la montée des extrêmes-droites entre autres, notamment en Italie).

Les premières lignes
Dans une école d’infirmières, la proximité de la mort devrait donner plus de liberté au cœur. Moi, j’ai toujours vécu ça, et j’ai flambé dès la première fois où je t’ai vue glisser dans les couloirs avec la grâce modeste dont le souvenir me gorge de larmes. Ton corps n’était qu’un sourire, ta peau devait fondre comme miel dans la bouche; dommage que j’aie eu alors cette autre histoire de fille, pour laquelle on m’a mise à pied. L’automne qui a suivi, j’ai tournicoté dans les rues qui enserrent la clinique. Un soir, à la clarté neigeuse d’un lampadaire, j’ai osé te parler. Avec l’aide, plus que de ma maigre indemnité, d’une poire que j’avais gardée pour la soif, j’allais finir mes jours à Venise; accepterais-tu de m’y accompagner, lors de tes vacances de Noël, en prospection ?