Petite fantôme – Mathilde Alet

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Quand on a une grande sœur, on passe les quinze premières années de sa vie à essayer de lui ressembler et les suivantes à essayer d’être différente.
Les sœurs Gil et Jo Agnelli entretiennent leur complicité en se retrouvant chaque mercredi à la même heure au café Les Trois Compères, qu’elles surnomment Les Deux Commères. Gil est assistante auprès d’un cabinet d’avocats et apprentie-écrivain. Son rêve de faire publier son premier roman rétrécit à mesure qu’elle reçoit les lettres de refus des maisons d’édition. Suivant les conseils de Jo, elle décide d’écrire un autre livre. Un livre qui sera publié, commenté, lu. Un bestseller ! Les deux sœurs se lancent alors dans une aventure littéraire qui bouleverse leurs repères, perturbe même leurs sacro-saints rendez-vous du mercredi. Que reste-t-il d’un lien quand on en perd les habitudes ?

Mathilde Alet est une auteure franco-belge. Son premier roman, Mon lapin (Éditions Luce Wilquin, 2014), dévoile une écriture dépouillée et efficace qui sonde les liens familiaux à travers le prisme des choses légères du quotidien. Elle collabore régulièrement à la revue culturelle en ligne Karoo, consacrant ses chroniques à la découverte des œuvres littéraires belges.
En librairie le 7 octobre 2016

Les premières lignes
Gil est assise à sa place habituelle sur la banquette orientée fenêtre. Elle ne s’inquiète pas tout de suite du vide de l’autre côté de la table. Des deux sœurs c’est Jo, la retardataire. Pendant les premières minutes d’attente, Gil observe toujours le skaï rouge défraîchi et déchiré par endroits de la banquette encore libre, laissant s’échapper une mousse synthétique brunâtre. Elle pense à toutes les fesses qui s’y sont avachies, les leurs exclusivement les mercredis à seize heures, à la transpiration collante des cuisses dénudées en été et à l’improbabilité évidente d’un coup d’éponge sur ce faux cuir poisseux. Après, elle jette un œil à l’horloge Ricard au-dessus du bar qui, à ce stade-ci, indique en général seize heures trois. Quoi qu’elle fasse, et même les jours de grève, de pluie ou d’oubli – dans sa vie aussi surgit l’imprévu –, Gil est toujours à l’heure. Pas en avance. À l’heure à faire peur. Aux rendez-vous vers seize heures, elle arrive à seize heures tapantes. Le temps de Jo est plus élastique, moins horloger, plus personnel. Gil le sait bien mais n’amène jamais de livre, espérant chaque fois une soudaine ponctualité de sa sœur.

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