À L’Hermine blanche – Kyra Dupont Troubetzkoy

Sacha a cinq ans lorsqu’elle chute brusquement d’un immeuble. Sa mère, Sophie Kniazky, une princesse russe malade d’amour, vient tout juste de décéder. Une idée germe, qu’on ose à peine formuler : et si la petite avait sauté ? Son entourage préfère enterrer ces drames trop complexes, tandis que Sacha voit s’éloigner le souvenir des jours heureux passés avec sa mère et Sam, l’amant de celle-ci. Il devient impossible de lui faire parler de sa tsarine au destin tragique, dont les mondains ont fait une icône. Mais à trente ans, l’âge exact auquel sa mère rendait l’âme, un verdict médical sans appel exhorte Sacha à sortir du silence. Si elle veut comprendre qui elle est, elle n’a d’autre choix que de partir sur les traces de Sophie, de son prestigieux nom de famille et de ses aïeux aux secrets inavouables, dont le monde s’est effondré avec la révolution bolchévique.
Un roman d’amour mêlant la grande et la petite histoire
Un conte intime devenu fresque romanesque
Un brin russe, un brin français

Franco-suisse, Kyra Dupont Troubetzkoy (1971) est d’abord grand reporter avant d’entamer de nombreuses collaborations en presse et en télévision en France, aux États-Unis et en Suisse. Elle quitte le journalisme en 2007 pour se lancer à plein temps dans l’écriture. Mariée et mère de deux enfants, elle vit pour l’instant à Dubaï.
En librairie le 6 octobre 2017

Les premières lignes
Ils étaient si proches d’être heureux. En somme, ils l’étaient. Tous les trois. Tous les trois, je, il, elle, réfugiés dans la zone confortable de l’enfance. Ils avaient laissé en bas la plaine et ses rumeurs. Sophie, et son Titi, et Sam formaient un cercle presque parfait. Percevaient des dangers que la présence bienveillante de la montagne amoindrissait. Là-haut, dans le petit nid de L’Hermine blanche, le temps s’écoulait vers un compte à rebours inconnu d’eux. Et chaque jour, à quelques détails près, bruissait la même musique du bonheur.
Gestes répétés. Sophie s’occupe du petit-déjeuner. Elle tient à organiser les repas et leur rythme inlassable, rassurant. Et puis, elle est un peu insomniaque, alors… Elle dispose les bols sur la table en pin, cling cling, y place les cuillères, fait crisser les pieds de la chaise sur le carrelage froid de l’hiver, attrape dans le tiroir le coquilleur à beurre, outil préféré de sa petite Titi. Il fait encore nuit dehors. Oui, il est tôt, ne pas faire trop de bruit. Titi et Sam dorment encore, je, il, êtres chers. Froufrou de la robe de chambre, odeur de café au lait. Elle s’assoit, rien ne presse. Tandis qu’elle racle la motte de beurre pour en faire des coquillettes, Sophie savoure ce moment entre nuit et jour où rien n’est encore joué. Trêve, moment de tous les possibles.
Que leur réserve la journée à venir ? Doucement l’aube approche, murmure à son oreille des promesses intemporelles. Dans la nuit qui s’étire encore, Sophie espère être à la hauteur de ses éternités. Tout à l’heure, elle emmènera Titi à la crèche. À genoux, à la hauteur de ses quatre ans, boutonner le petit manteau, croiser l’écharpe sur la poitrine, ajuster le bonnet sur les oreilles toujours froides, passer chaque petit doigt dans son écrin de laine. Gestes de maman, appliquée. Elle fait du mieux qu’elle peut. Doucement fermer la porte. Chut, il ne faut pas réveiller Sam. Complicité entre la petite et sa mère. Se retenir encore un peu et, sitôt franchie l’entrée de l’immeuble, s’élancer toutes les deux dans le petit matin froid.

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