Sméraldine
14 x 20,5 cm, 128 pages
ISBN 978-2-88253-490-3
EUR 12.-
Ma ville natale, c’est l’appartement de Papy Louis.
Rien n’a vraiment changé, dans la ville d’enfance de Gabrielle. Ni les balançoires violettes du Jardin des Plantes ni le parfum Chèvrefeuille de sa mère ni les questions qu’elle n’ose poser qu’à sa grande sœur Clara. Un soleil tapageur à la sortie de la messe, un rassemblement autour d’un buffet campagnard, un enterrement est une fête de famille comme les autres. On cause peu et on ne s’enlace pas. Gabrielle préfère parler dans sa tête. Là, la route vers le cimetière ressemble à un départ en vacances, et l’ancien employé de son grand-père, à James Dean. Là, surgissent des moments de vie passée aux airs de rien : un Noël, un croche-pied, un repas à la pizzeria, une photographie en noir et blanc, comme s’ils avaient quelque chose d’important à raconter ensemble ce jour-là.
Rien n’a vraiment changé, sauf qu’aujourd’hui on enterre Papy Louis. Et un enterrement, c’est un jour idéal pour apprendre à crier. Ou pour tomber amoureuse.
En librairie le 22 août
Les premières lignes
J’attendais une cathédrale. Le taxi me dépose devant une petite église coincée entre deux blocs de maisons. La façade bétonnée des années soixante a été repeinte pour s’harmoniser avec les briques du quartier. Ce rose pastel évoque plutôt les dragées des mariages. Les photos de sortie d’église, convives endimanchés et mariés blancs sur fond rose, se confondent avec celles de l’arrivée de la pièce montée. Je pense au discours de Quatre mariages et un enterrement. Accroupie devant la télé, j’avais retranscrit le texte, le doigt appuyé sur la télécommande du magnétoscope à chaque fin de phrase. « Nouez des voiles noirs aux colonnes des édifices. » Je comprends mal que l’on prépare un enterrement derrière la façade colorée d’un jour de fête.
Je grimpe les marches et entre par la porte latérale avec la discrétion exagérée des retardataires. La cérémonie a déjà commencé. Seuls les premiers rangs sont occupés. Tout le monde est là, pourtant, je le vois d’un regard. Au premier rang, à gauche de l’allée centrale, Olympe, Michel et Victoire, à droite, Clara. Derrière eux, les visages vieillis d’hommes et de femmes parfois croisés pendant mon enfance. Je reconnais ma grand-tante et son mari. J’aperçois la marraine d’Olympe et ses deux fils. À la sixième et dernière rangée occupée, je croise le regard de Marc, le garçon des promenades et des lectures. Derrière lui, une longue enfilade de bancs vides. J’ai envie d’en vouloir à des absents.
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