Archives de catégorie : Publications

L’orée – Daniel De Bruycker

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Quelque part en Europe, il y a quatre ou cinq mille ans, à l’aube du néolithique. Par un matin de printemps, Orée, un vieux bûcheron, emmène sa petite-fille, Maï, pour une longue promenade dans « sa » forêt. Chemin faisant, au fil des bosquets et des zones de coupe, il entreprend de lui raconter sa propre vie et celle de leur clan, depuis le jour où ils délaissèrent la vie nomade en forêt pour fonder leur village dans la Vallée – leurs découvertes, leurs doutes, leurs catastrophes – et en même temps initie l’enfant aux signes qu’il a gravés sur les écorces pour préserver la mémoire de ce passé et témoigner des disparus.
Transmission ou héritage ? Au soir de cette journée de marche, Orée reviendra-t-il bien au village avec Maï pour célébrer la Fête du Temps, qui marque l’anniversaire de cette nouvelle vie du clan dans la lumière de la Vallée – ou s’apprête-t-il à repartir, seul, vers la forêt de ses origines ?

Daniel De Bruycker fut d’abord critique de jazz, de danse et de théâtre en Belgique (Le Soir) et en France (Le Monde), puis tour à tour écrivain-voyageur, animateur d’ateliers d’écriture pour jeunes enfants ou traducteur. Poète et romancier, il vit, écrit et maçonne aujourd’hui à l’ermitage de la Martinière (Manche). Ses précédents romans – Silex (1999, Prix Rossel), Eitô, Lampe d’ombre (2001, Prix de la Ville de Tournai) et Lettres de Treste (2004) – ont paru chez Actes Sud.

En librairie le 9 octobre

Les premières lignes
Couleur d’olive, nimbé d’or et de rose par la clarté naissante, un bourgeon lentement s’entrouvre à la cime du grand frêne, laissant le demi-jour baigner les deux minuscules feuilles vert tendre lovées au dedans. C’est l’aube. De très loin, émergeant par degrés des horizons brumeux du sommeil, les premiers rais de lumière du soleil d’avril balaient le ciel pâle et viennent allumer çà et là les hautes cimes de la forêt. Une à une, arbre par arbre, puis de proche en proche par vagues comme soulevées du fond de la nuit, un océan de feuillages affleure au jour, immobile, compact, silencieux, déroulé de toutes parts jusqu’à perte de vue.
Un moment encore la lumière rasante semble flotter sur les frondaisons muettes, en quête d’une trouée par où pénétrer la masse verte – puis d’un coup les premiers rayons plongent entre les branches, en brillantes cascatelles faisant frémir au fil de leur descente vertigineuse des ailes engourdies de rosée, animant de petits cris enroués, éveillant des grappes d’yeux clignotants. Par strates profondes, la forêt maintenant remue, les ramures étirent leurs muscles de colosses, des sèves reprennent leurs lentes migrations, des ondes vertes circulent de branche en branche, faisant frissonner les feuillages, propageant des bouffées de vie parmi tout l’étagement qui végète à l’ombre des troncs et entre leurs souches – arbustes et lianes du sous-bois, feuillades de fougères et lierres rampants, orchidées et violettes des bois, arums et orties, coussins de mousse et de lichen où déjà s’agite tout un peuple furtif de rongeurs et de salamandres, furetant parmi les feuilles mortes et les mondes miniatures des insectes. Partout bientôt cela surgit et rampe et grouille, au point que le sol lui-même paraît frémir et respirer dans la fraîcheur du matin.

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Adrienne ne m’a pas écrit – Michelle Fourez

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Je ne vous ai vue qu’une seule fois, Adrienne, au hasard d’une rencontre mondaine après l’un de mes concerts. […] Non, je ne me souviens pas vraiment de votre visage.
De votre voix, oui.
Je me souviens que vous n’êtes pas très jeune, pas très belle, mais il me semble que personne, jamais, n’a compris ma musique comme vous l’aviez comprise, ce soir-là.

Des vies meurtries
La puissance de la musique
Un amour purement épistolaire qui se concrétisera enfin par-delà les peurs et les pudeurs

Michelle Fourez est née en 1951. Après une enfance vécue au plus près de la terre et des arbres, elle étudie la philologie romane et la philologie hispanique à l’ULB (Bruxelles). Elle a enseigné pendant quarante ans la littérature française et la langue espagnole. Grande voyageuse, elle continue d’arpenter la Terre, sac au dos.
Tous ses romans, sauf le premier, ont été publiés aux Éditions Luce Wilquin
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En librairie le 9 octobre

Les premières lignes
Adrienne ne m’a pas écrit.
L’été ne parvient pas à me happer au-dehors. Ni l’été, ni le foisonnement des branches que balance la brise, ni le rose du ciel, en ce soir de juin.
Mon piano reste muet, malgré le concert prévu dans dix jours à Bruxelles.
Rien qui puisse me donner la force d’aller vers la lumière du soir : voici douze jours qu’Adrienne ne m’a pas écrit, et pour peu mes yeux resteraient nuit et jour rivés à l’écran de l’ordinateur.
Est-elle malade ? A-t-elle sans me le dire décidé de couper le fil des mots tendu entre nous ? Est-ce là mon destin, perdre ce lien précieux, le seul que nous ayons tissé, elle et moi, depuis tant d’années, et m’enfoncer sans elle dans la vieillesse ?

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Je ne te mangerai pas tout de suite – Emmanuèle Sandron

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Et là je sens que je souris de toute ma bouche, de tous mes yeux, de tous mes cheveux, de tout mon corps. Et j’ai une énorme, une terrible, une folle envie de la prendre dans mes bras, et je me bats contre moi-même et contre le bonheur qui monte, je me bats pour le faire, pour la prendre dans mes bras, et je me bats pour ne pas le faire, la prendre dans mes bras, et je me dis : « Non, non, attends encore, attends encore un peu. Si tu le fais tout de suite, ce sera fait, et le bonheur de la première fois sera derrière toi, il ne sera pas devant toi comme maintenant, jouis, profite de l’idée de ce bonheur qui vient, qui n’est pas encore là, mais qui va arriver, là, maintenant, tout de suite, tantôt, plus tard. »

Sept nouvelles qui explorent le désir, en passant par les cases de l’interdit, de la transgression et de la volupté

Emmanuèle Sandron est traductrice littéraire. Elle co-anime TransLittérature, la revue de l’Association des traducteurs littéraires de France. Elle vit à Bruxelles. Je ne te mangerai pas tout de suite est sa première publication personnelle après dix ans de silence et bien davantage de traductions. Elle est l’auteur de Le double fond, Celtitude et Sarah Malcorps, tous publiés chez Luce Wilquin.

En librairie le 9 octobre

Les premières lignes
Je m’interdis la mousse au chocolat, et de toute façon les desserts en semaine, le vin à table, l’ordinateur ailleurs que dans mon bureau.
Je m’interdis les marches en forêt, le tour du lac, les rêveries à regarder le ciel quand j’ai ouvert la fenêtre en grand.
Je m’interdis de dénombrer les verts, les feuilles des arbres, les arbres.
Je m’interdis la beauté de l’orage.
Je m’interdis la peur.
Je m’interdis de nettoyer. La crasse s’accumule dans les coins, entre les coins, et ailleurs. Sous la poussière les miroirs… bah ! les miroirs !
Je m’interdits les mots que je sais que tu aimes : collection, porte, falaise.
Je m’interdis les chansons d’Alain Souchon.
Je m’interdis d’écrire comme toi, ce qui revient à m’interdire d’écrire.
Je m’interdis de regarder les couples s’embrasser.
Pour Souchon, c’est à cause de ça, de la chanson : « Je chante un baiser ».
Je m’interdis de penser à toi.
Je m’interdis les je m’interdis.
Je m’interdis.

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Lettres d’Otrante – Geneviève Bergé

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À Otrante, la vie est redevenue calme, les visiteurs sont rares hors saison dans les Pouilles. Mais en réalité, ici comme ailleurs, le monde poursuit sa course. De nouveaux clandestins viennent de débarquer, que l’on cache et ne sait comment accueillir. Des silhouettes passent, des signes semblent laissés, mais qu’indiquent-ils ? Interpréter est difficile et peut-être inutile.
Après avoir travaillé toute sa vie comme responsable de chantier, Aafke, originaire des Pays-Bas, a décidé de se consacrer à la restauration de la remarquable mosaïque médiévale de la cathédrale. Et de raconter son quotidien à Peter, un ami (peut-être un ancien amant) entièrement paralysé resté dans le Nord et dont elle a du mal à décoder les silences.
Heureusement, il y a une enfant au rire clair, un chat, et la beauté de la ville et de la mer.
Geneviève Bergé est née en 1957 à Bruxelles. Secrétaire de rédaction et assistante d’édition, lectrice passionnée, animatrice de groupes de lecture, critique, traductrice occasionnelle, revuiste, écrivaine, la littérature est bien au cœur de son appréhension du monde.
En librairie le 18 septembre

Les premières lignes
Elle a fini par trouver le nid. C’est ce qu’elle m’a dit. Coincé entre un poteau électrique et un mur de pierre, un endroit bizarre en vérité, trop peu caché, oui, bien trop exposé, suicidaire même, comme si l’animal, prévoyant le massacre, n’avait plus pris la peine de le dissimuler. D’ailleurs, elle aussi, elle allait changer de méthode. Elle enfermait d’habitude les nouveau-nés dans un sac en plastique, pas même un sac, juste un petit sachet de ménage, un élastique, et ils mouraient d’asphyxie parmi les déchets du container. Mais on ne savait jamais comment, il y en avait toujours un qui en réchappait. C’est ce qu’elle avait fini par penser, en tout cas. S’il en revenait toujours, c’est que certains bébés survivaient, puis qu’une sorte de mauvais sort les ramenait sur le lieu de leur naissance. Cette fois, elle allait les tuer avant de s’en débarrasser. Pour être sûre de son coup. Elle allait les tuer tous les six. Mais quand ? Les parents ne se trouvaient pas dans le nid. Que faire ? Attendre ? C’était risqué. Elle s’était résignée : puisque les loirs copulent d’abondance, une nouvelle portée verrait le jour bientôt, et elle, Simona, elle devrait reprendre la chasse. Je venais à peine d’arriver, mais elle a tenu à me montrer l’endroit où elle avait trouvé le nid. Absolument tenu ; moi, je pensais à mes valises. Je l’ai pourtant suivie à l’arrière de la maison, près d’une ancienne balançoire, là où elle entrepose son bois pour l’hiver et des casiers de limonade pour ses petits-enfants, quand ils descendent de Bari.

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Un fou dans la manche – Stanislas Cotton

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Devant l’insistance de Mariana, le commissaire Santino Cuffaro a cédé : d’accord pour quelques jours de vacances. Et le voilà sur la terre de ses origines, pas celle où il est né, mais celle de sa famille, de son sang. Ils séjournent dans le village de son père au pied de l’Etna : a muntagna.
Septembre, été finissant, dernière fête au Camping Mare Blu, dernière bagarre. Salvatore Volpino et Andrea Pastore spéculent sur leur avenir. Elena Lanfredi – l’Azzurra – court la montagne, guettant l’éruption qui s’annonce. Don Cosimo célèbre la messe, hanté par les fesses de sa gouvernante.
Mais voilà qu’on découvre le corps d’une jeune femme sur la plage. Il n’en faut pas plus pour que Santino se remette à gamberger sérieusement ; il imagine qu’une malédiction le poursuit, qui met en péril la vie des gens et provoque leur mort violente. Car, hélas, ce cadavre est le premier d’une longue série…
Auteur dramatique souvent primé et joué, Stanislas Cotton signe ici son quatrième roman, qui poursuit les aventures du commissaire Santino Cuffaro, déjà rencontré dans Rosalinde Miller (2014).
En librairie le 18 septembre

Les premières lignes
Un battement sourd résonne dans la nuit. Haletant. Répétitif et assommant. C’est samedi soir, les derniers touristes de la saison s’agitent au Camping Mare Blu, trois étoiles et une chique. Trois étoiles défraîchies peintes sur l’enseigne bleue qu’éclairent des tubes au néon. Le Mare Blu offre plage et piscine, bar et petite restauration, toilettes et douches, presque correctement entretenues par la signora Daria – silhouette ronde en tablier rose qui se dandine du matin au soir autour des blocs sanitaires –, machines à laver, épicerie… Gémissements la nuit sous les toiles de tentes et sous les étoiles : ces folles, vise leurs fioles filantes dans la nuit ! Gémissements au clair de lune et grincements de sommiers, plutôt moyens, dans les bungalows.
La musique repart de plus belle. Sûr, il y a de l’ambiance au Mare Blu.

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Monsieur a la migraine – Valérie Cohen

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Vous pensiez tout connaître sur le désir féminin ? Anna, Noémie, Lucia et Julie aussi, jusqu’à ce qu’elles rencontrent Patrice Denis, un sexothérapeute aux méthodes originales.
Mariée depuis trente ans, Anna simule le plaisir et est bien plus attachée à son chien qu’à son acariâtre époux. Noémie supporte mal la libido fatiguée de son compagnon. Julie, divorcée et mère de quatre enfants, enchaîne les relations sans lendemain tout en espérant trouver l’amour. Quant à Lucia, le plaisir l’a désertée depuis qu’elle a quitté son amant.
Leur point commun ? Les soirées de partage sur le désir féminin organisées par Patrice Denis. Entre rires, pleurs et actes symboliques, elles y livreront leurs secrets les plus intimes, leurs ombres et leurs désirs inavouables.
Quatre semaines pour oser se raconter, mettre des mots sur ce qui est communément tu et nouer une indéfectible amitié.
Valérie Cohen, née en 1968 à Bruxelles, est juriste de for­mation. En 2001, elle décide de quitter le monde juridique où elle se sent à l’étroit pour conjuguer deux de ses plaisirs : l’écriture et les voyages. Dans Monsieur a la migraine, son quatrième roman après Nos mémoires apprivoisées et Alice et l’homme-perle, l’auteure plonge avec tendresse et humour dans l’univers du désir féminin.
En librairie le 21 août

Les premières lignes
« Racontez-moi, Anna, continuez. »
Anna Delavigne détourne la tête pour ne pas croiser le regard de Patrice Denis. Ne pas s’attarder sur ses yeux attendris, ne pas quitter ce corps, cette étrange sensation de s’être retrouvée après tant d’années d’aveuglement. Une certitude la bouleverse et l’éclabousse. Elle s’était perdue dans le labyrinthe de sa propre vie, et elle ne le savait pas.
Soudain, ils jaillirent du plus profond de son être. Anna était loin d’imaginer tous ces mots tapis en elle. Aptes à vivre et à s’articuler en phrases intelligibles, après des décennies de silence rassurant. Elle s’y agrippe avec force, rodéo mouvementé sur les routes de son passé. Pour un peu, il lui semble que ses muscles sont douloureux. Les mots la bousculent, détricotent son existence et ont un goût de sel, de solitude et de renoncement. De légèreté et de jours heureux aussi, lorsqu’elle les utilise au conditionnel ou au futur. Depuis si longtemps, elle se sentait ensevelie sous leur poids. Elle avait même renoncé à les dompter. Comment apprivoiser l’indicible ? Tel le sable, le temps et les regrets, il file entre les doigts. Présence rassurante, pesante et si intime à la fois. Anna respire profondément et évite le regard insistant de Patrice Denis. Elle hésite à poursuivre son récit et fait une courte pause entre deux phrases. Ni journal intime, ni sœur ou confidente attitrée, ni thérapeute grassement payé pour être tenu au secret professionnel. Parler, c’est allumer la mèche d’une bombe à retardement. Parler pour qui ? Pourquoi ? Les mots sommeillaient dans son ombre et alourdissaient sa silhouette de fraîche quinquagénaire. Certains soirs, cernée par eux, elle étouffait dans leur mutisme. Elle avait beau ouvrir la fenêtre de la cuisine et regarder la lune, ils se dérobaient encore. Devant ce grand mince à la chemise blanche sans pli sur un jeans bien coupé, l’évidence la rattrape et la laisse sans voix. Les mots, comme les hommes, manquent parfois de courage. Les siens attendaient patiemment leur heure de gloire.

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Le chant du canari – Anne-Frédérique Rochat

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Anatole et Violaine sont en couple depuis de nombreuses années. Combien de temps exactement ? Ils ne s’en souviennent plus, cela fait si longtemps. Lui travaille dans une animalerie, entouré de sifflements et de plumes de canaris ; elle surveille la section zoologie du Musée d’Histoire Naturelle, silence et relents de camphre. Leur vie quotidienne est une suite d’habitudes rassurantes et de paroles répétées, Bien dormi ? – Oui, merci chéri, bien dormi. Et toi, bien dormi ? Ils ont tout pour être heureux. Et pourtant. Quelque chose, imperceptiblement, semble les éloigner l’un de l’autre. Il disparaît de plus en plus souvent. Pour aller où ? Faire quoi ? Le doute s’immisce, les certitudes s’émoussent. Et s’il suffisait d’un grain de sable, d’une pensée (un peu trop obsédante) pour tout remettre en question, tout perturber ?
La comédienne suisse Anne-Frédérique Rochat, née en 1977 à Vevey, alterne écriture dramatique et narrative depuis quelques années, trouvant un plaisir différent, mais complémentaire, dans l’exercice de ces deux genres littéraires. Le chant du canari est son quatrième roman, après Accident de personne (2012), Le sous-bois (2013) et À l’abri des regards (2014), tous parus chez Luce Wilquin.
En librairie le 21 août

Les premières lignes
Dans son bocal, le poisson rouge semblait la regarder. Elle lui fit un signe de la main. Il se remit à tourner.
Cela faisait un mois déjà qu’Anatole lui avait offert cette…babiole…bestiole. Suite à une discussion sur le fait d’avoir des enfants, ou pas. Elle avait très envie d’un petit. Le sentir grandir à l’intérieur de son ventre, puis dans ses bras, tout contre son sein, le voir s’endormir, débordant de plaisir, repu et tranquille à la fois. Lui ne s’imaginait pas devenir papa. Il trouvait les mômes désespérément criards et incontinents. Il avait clos la discussion en quittant la table pour aller s’installer devant la télévision.
Le lendemain pour se faire pardonner et lui rendre le sourire, il était revenu à la maison la bouche en cœur, un sac rempli d’eau entre les mains. Dans lequel stagnait une chose rouge. Ils crurent d’abord que la pauvre bête était morte durant le trajet, mais finalement eurent le « bonheur » de la voir s’agiter une fois posée sur le frigo dans un joli bocal en verre.
– Tu es contente ? s’était enquis Anatole en guettant l’illu­mination sur le visage de sa dulcinée. C’est moins encombrant qu’un bambin, et beaucoup plus décoratif !
– Oui, avait-elle balbutié, ne sachant si elle devait s’émouvoir, s’attrister ou piquer la mouche.

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La vie al dente – Sarah Berti

506blog

Une silhouette sombre suspendue à une grue, sur un chantier désaffecté, trouble la blancheur du paysage enneigé. Le médecin du village vient d’être assassiné, et Tiziana Dallavera, la jeune policière rebecquoise aux prises avec une histoire passionnelle, reprend du service pour mener l’enquête, dans un hiver glacial.
Rapidement, un autre corps est découvert, et les policiers se lancent à la poursuite d’un étrange tueur en série, avec pour seuls indices une manne abandonnée et des témoignages discordants. Que cache la terrible solitude des victimes ? Quel lien les unit-il donc au-delà du silence ?
Heureusement, Tiziana pourra compter sur son inénarrable famille pour l’aider à démêler le vrai du faux, et plonger avec elle dans les arcanes d’une histoire douloureuse.
Après Le jour du tiramisù et Cappuccino blues, cette troisième enquête de Tiziana Dallavera entremêle les fausses pistes, et seule une plongée dans un passé troublé permettra de lever le voile sur les dérives d’une humanité égoïste.
En librairie le 8 mai

Les premières lignes
Elle ne vit pas le pendu tout de suite. Le corps pourtant se balançait tristement au bout d’une lourde chaîne. Il était recouvert d’une mince croûte de givre, les longs bras presque détendus, les mains bleuies, comme des battoirs inertes. Autour, la neige avait enrobé chaque centimètre de son fragile manteau et le chantier abandonné gisait, irréel dans cette blancheur scintillante.
Barbara Delestienne, que tout le monde appelait Barbie, effectuait son tour de vérification chaque matin depuis les actes de vandalisme perpétrés sur le chantier à l’arrêt. En général, elle expédiait cette tâche à pas pressés entre les piles de briques écroulées, contournait rapidement les engins au chômage technique, qui attendaient avec impatience le retour du printemps et de l’activité. Elle jetait un coup d’œil entre les tas de gravats, pénétrait dans le bâtiment en reconstruction, cherchait des traces de pas, d’un feu de camp, d’une présence. Les Anciens Hospices, en voie de rénovation, attiraient régulièrement les curieux : des jeunes en manque d’aventure ou des sans-abris alcoolisés qui préféraient le silence des pierres aux reproches des hommes.

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Georges et les dragons – Jean-Pol Hecq

504blog

À l’été 1927, Maximilien Jelgersma débarque à Mons. Ce journaliste néerlandais prétend faire des reportages sur le Borinage, la reconstruction de l’après-guerre et la réalité sociale de la région montoise.
Sa motivation est toutefois plus personnelle : il recherche Georges, un de ses cousins disparu pendant la guerre. Au cours de son enquête, Max croise notamment le cinéaste Joris Ivens, en repérage pour son film Misère au Borinage, et Stefan Zweig, le célèbre écrivain autrichien. Il reçoit l’aide d’un sous-officier véreux, côtoie un drôle de psychiatre franc-maçon et la supérieure d’un couvent. Mais, surtout, il se lie d’amitié avec un homme paisible qui prétend avoir vu de ses propres yeux saint Georges voler au secours des Britanniques au plus fort de la bataille d’août 1914…
Qu’a réellement vu cet homme ce jour-là ? Et pourquoi y a-t-il tant de chevaux dans cette affaire ? Ils peuplent les cauchemars de Max, tirent le Car d’Or dans la Procession de la Trinité, sont les montures de saint Georges et des hommes du 2e régiment de Chasseurs à cheval ; ils forment les attelages des livreurs de bière… Peut-être sont-ils en fin de compte au cœur de l’énigme ?
En librairie le 8 mai

Les premières lignes
Cette histoire est étrange. Il est fort possible que personne n’y accorde du crédit ou même que l’on m’accuse de supercherie ; j’en accepte le risque.
Après avoir longtemps gardé secret ce « dossier » constitué de bric et de broc, je me suis décidé à le dévoiler. Ce n’est ni de la littérature, ni une enquête policière. Tout au plus une échappée dans un défaut de la cuirasse du réel. Que celui qui lira les lignes qui suivent se forge sa propre opinion.
Cependant, pour commencer, je dois donner quelques explications sur la manière dont j’ai découvert cette affaire.
C’était il y a une vingtaine d’années, j’habitais alors un appartement situé dans le centre historique de Mons.

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À l’envers l’origine – Joël Glaziou

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Ici commence ma course vers l’océan…, peut-on lire près de la source de la Loire.
Assis sur la rive verdoyante du fleuve, juste à mi-course entre la source et l’estuaire, faut-il se laisser dériver au fil de l’eau ? Descendre le fleuve en quête du sel de vie… mais qui se souvient de l’eau douce dans la mer ? Ou bien entamer cette remontée du sel et en retrouver le goût à la source même ?
À l’envers des gestes quotidiens d’aujourd’hui, peut-on revivre les gestes immémoriaux, pensées et sentiments de ceux qui nous précèdent, passant de l’individuel à l’universel ? À l’envers de nos actes graves ou légers, peut-on se remémorer tout ce qui s’y cache, de nos vies, de nos amours comme de nos morts ?
Loin de toute nostalgie, cette réflexion, rythmée par les nombreux aléas de l’existence, essaie réellement d’en inverser le sens pour nous permettre d’en retrouver l’origine.
En librairie le 8 mai

Les premières lignes
Je n’ai pas le souvenir du commencement.
Malgré mes efforts, les repères restent flous. Je ne me rappelle aucune date précise. Pourtant, je me souviens parfaitement du lieu ; mais il a sans doute changé depuis trente ans.
Je te revois, assis sur le muret d’ardoise tout en haut du quai, juste en face de la Loire. Dos voûté d’adolescent qui pousse trop vite. Pantalon de velours et pull à col roulé, tout de noir vêtu, de la tête jusqu’aux pieds.
Je te revois, tu attendais là patiemment que tes parents, en visite chez des amis, passent te prendre avant de finir la soirée en compagnie de tes grands-parents maternels. Samedi ou dimanche, il en était ainsi et cela se répéta des mois, des années…

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Sorbet d’abysses – Véronique Emmenegger

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Lorsque la famille du brillant philosophe Égault Lévy apprend qu’il est atteint d’une maladie de démence, le monde manque de s’écrouler. Shirley, sa femme soumise, ainsi que ses trois enfants sortent alors de leurs retranchements. Subir ou ne pas subir ? Accepter ou se révolter ? Chacun va être invité à modifier sa façon de voir la vie face à cette descente dans les entrailles de la mémoire et du langage. La maladie cache dans ses souffrances des portes de sortie étonnantes.
Scènes cocasses, éclats de bonheur, de rire… Une remise en question salutaire face à la débandade du langage et de la mémoire
En librairie le 10 avril

Les premières lignes
La nouvelle vénéneuse vient de fendre la réalité de ses airs de fiction. Un cumulus noir passe, une main gantée tire la chaîne, une coulée de poix s’abat.
Le docteur Crohn n’est pas là pour emballer la réalité, ce n’est pas le Père Noël, et Shirley se prend la tête dans les mains. Panique à neurones-city, elle a l’impression que son cerveau rétrécit. À sa gauche, un peu penché dans une chaise Louis XVI, se tient Égault. Cela fait trente ans que ce philosophe au caractère d’ouragan est l’homme de sa vie. En face d’eux, on devine le cynisme du neurologue habitué à ces diagnostics, bien barricadé derrière son bureau, affublé d’un regard qui se voudrait compatissant, mais en tant que sadique, cela ne lui pose pas trop de problèmes. Bientôt, la partie de golf rituelle viendra aérer tout ce brouillard cérébral et lui redonnera son sourire narquois de gagneur.
– L’oubli est un animal sauvage qui dévore tout sur son passage, prône-t-il en s’éclaircissant la gorge. Il commence par mordre ce qu’il a de plus proche, les membres de sa famille…
Pourquoi attendre d’un neurologue qu’il manie la psychologie ? Ce technicien de nos mécaniques infimes n’a que faire de la face cachée de la force : le sentiment. Pire, ça n’est pas son boulot de consoler, d’accompagner, d’ailleurs comment pourrait-il rassurer cette femme puisqu’il le sait mieux que quiconque, les maladies de démence ne sont qu’une lente chute programmée, une descente aux enfers avec des escaliers lustrés de savon noir, une balade au pays de la soumission et de la dégradation.

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Rien n’est rouge – François Salmon

502blog

À part peut-être la soif impossible qui s’écrase sur Billy Adamson au cœur de la Death Valley,
À part bien sûr la torche que brandit Dries Nuttens, le plus petit flic d’Anvers, à l’entrée de la N 171,
À part ce lent désir qui monte dans le corps d’Octavie, rue des Sœurs de la Providence,
À part l’aube stridente que Gossuin le parcheminier voit se lever sur Paris le 6 février 886,
À part la vitesse de l’œuf de Nessus, l’ambition du Grand Auteur belge, la honte crasse de Bernard Verdonck ou la voix de Sophie Lambert,
Non, décidément,
Rien n’est rouge.
En librairie le 10 avril

Les premières lignes
Il est quasiment impossible de se représenter la soif qui tenaillait Billy Joe Adamson quand il arriva aux portes du saloon de Wounded Town. Une soif sans fond. Sa langue n’était plus qu’une vieille éponge sèche et jaunie qui lui semblait sur le point de se réduire en charpie. Chaque fois que par réflexe il tentait d’avaler, l’espèce de papier de verre à grain épais qui tapissait le fond de sa gorge le blessait un peu plus. Son corps entier se pétrifiait sous la chaleur implacable du soleil de midi. Même sa sueur n’avait plus rien de liquide : il la sentait traverser sa peau sous forme de cristaux de gros sel, mille morsures connexes fondues en un seul mal, une douleur sans nom ajustée pas à pas aux contours de son être. Tel était le piteux état de Billy Joe Adamson quand il arriva aux portes du saloon de Wounded Town.
Il faut dire que le pauvre gars venait de se manger à pied la moitié du désert des Mojaves, son cheval ayant été foudroyé par un crotale dont il avait dérangé la digestion d’un malheureux coup de patte – oui, précisons-le tout de suite, Billy J. Adamson n’était pas de ces cavaliers cul-serrés qui prétendent que les chevaux ont des jambes et une bouche. Le sien avait des pattes et une gueule. Une gueule, au demeurant, de demeuré, qu’il avait contractée en une grimace un peu ridicule sous l’effet expéditif du venin. En trois hoquets horrifiés, le canasson rendait son dernier râle, suite à quoi Billy Joe le bourra de coups d’éperon, estimant sans doute qu’un cheval assez con pour taquiner le crotale à trois jours de marche du moindre bled pourri ne méritait pas d’autre oraison funèbre.

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