Je ne te mangerai pas tout de suite – Emmanuèle Sandron

509blog

Et là je sens que je souris de toute ma bouche, de tous mes yeux, de tous mes cheveux, de tout mon corps. Et j’ai une énorme, une terrible, une folle envie de la prendre dans mes bras, et je me bats contre moi-même et contre le bonheur qui monte, je me bats pour le faire, pour la prendre dans mes bras, et je me bats pour ne pas le faire, la prendre dans mes bras, et je me dis : « Non, non, attends encore, attends encore un peu. Si tu le fais tout de suite, ce sera fait, et le bonheur de la première fois sera derrière toi, il ne sera pas devant toi comme maintenant, jouis, profite de l’idée de ce bonheur qui vient, qui n’est pas encore là, mais qui va arriver, là, maintenant, tout de suite, tantôt, plus tard. »

Sept nouvelles qui explorent le désir, en passant par les cases de l’interdit, de la transgression et de la volupté

Emmanuèle Sandron est traductrice littéraire. Elle co-anime TransLittérature, la revue de l’Association des traducteurs littéraires de France. Elle vit à Bruxelles. Je ne te mangerai pas tout de suite est sa première publication personnelle après dix ans de silence et bien davantage de traductions. Elle est l’auteur de Le double fond, Celtitude et Sarah Malcorps, tous publiés chez Luce Wilquin.

En librairie le 9 octobre

Les premières lignes
Je m’interdis la mousse au chocolat, et de toute façon les desserts en semaine, le vin à table, l’ordinateur ailleurs que dans mon bureau.
Je m’interdis les marches en forêt, le tour du lac, les rêveries à regarder le ciel quand j’ai ouvert la fenêtre en grand.
Je m’interdis de dénombrer les verts, les feuilles des arbres, les arbres.
Je m’interdis la beauté de l’orage.
Je m’interdis la peur.
Je m’interdis de nettoyer. La crasse s’accumule dans les coins, entre les coins, et ailleurs. Sous la poussière les miroirs… bah ! les miroirs !
Je m’interdits les mots que je sais que tu aimes : collection, porte, falaise.
Je m’interdis les chansons d’Alain Souchon.
Je m’interdis d’écrire comme toi, ce qui revient à m’interdire d’écrire.
Je m’interdis de regarder les couples s’embrasser.
Pour Souchon, c’est à cause de ça, de la chanson : « Je chante un baiser ».
Je m’interdis de penser à toi.
Je m’interdis les je m’interdis.
Je m’interdis.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *