Sméraldine
14 x 20,5 cm, 240 pages
ISBN 978-2-88253-450-7
EUR 20.-
Janvier 1820. Jeremy Alexander Voight, jeune ténor promis aux succès parisiens, s’engage sur un coup de tête dans l’expédition du capitaine William Drawbee : la traversée de l’Empire russe jusqu’à l’extrême Nord-Est de la Sibérie, un voyage extrêmement risqué.
À Paris, Élisabeth d’Ancourt se désespère de ne plus avoir de nouvelles de Jeremy, alors qu’ils se sont quittés sur une dispute. Tous deux ont vécu une relation hors du commun, un amour non consommé mais profond.
Attente, silence, lettres perdues ou volées, nature grandiose qui remet l’humain à sa juste place, étendues désertiques, tempêtes de neige, solitude et hallucinations, rudes confrontations avec des Yakoutes, aurores boréales, amitié virile, amour tourmenté – ce roman est l’histoire d’une passion toujours contenue entre deux êtres fiers et entiers.
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Les premières lignes
Il ouvrit la fenêtre et huma l’air frais d’avril. Narva, frontière ouest de l’Empire russe. Quelle folie de s’être jeté dans une telle aventure ! Comment reculer à présent ? Il avait agi sur un coup de tête, il le savait, mais c’était là sa seule certitude.
Sur la table étaient posés un broc d’eau chaude et un petit miroir, apportés par la servante. Jeremy A. Voight sourit à son image, mais aucune joie ne se reflétait dans ses yeux. Le souvenir de celle laissée auprès de Bertrand d’Ancourt le hantait. Il se revoyait à Leipzig, un mois auparavant, au moment où le capitaine William Drawbee lui avait annoncé : « Si vous désirez envoyer un courrier et recevoir une éventuelle réponse de votre destinataire, il en est encore temps. » D’emblée, il s’était refusé à cette idée. Jamais il n’écrirait ! Tout était fini ! N’était-ce pas la raison même de son engagement envers le capitaine et les lords de l’Amirauté ?
Il se dévêtit entièrement et se lava. Les muscles jouaient sous sa peau, quelques poils sombres frisottaient sur son torse. Sa force lui apparut comme une bénédiction. Était-ce pour sa jeunesse et sa beauté qu’Élisabeth l’avait aimé ? Aurait-elle éprouvé les mêmes sentiments s’il avait été différent ? Il se rendit compte qu’il pensait à elle comme s’ils allaient se retrouver dans l’instant. Mais elle n’était pas là, elle ne serait plus jamais là. Une boule le serra à la gorge et sa vue se brouilla de larmes. Alors, comme si c’était pour lui le dernier moyen de reprendre pied dans la vraie vie, il se mit à chanter. Sa voix vibrait d’une étrange façon. Il se rappela les paroles du vieux maître qui lui avait enseigné son art : « Seul le travail peut vous apporter la satisfaction. Le don n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de la persévérance. » Depuis combien de temps n’avait-il plus exercé sa voix ? Il ne pourrait peut-être plus jamais récupérer ce qu’il avait perdu, si un jour il rentrait en France.
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