Euphémie
14 x 20,5 cm, 96 pages
ISBN 978-2-88253-478-1
EUR 10.-
Douze nouvelles, douze trajectoires de vie, douze moments où des êtres atteignent leur point de rupture. L’occasion de regarder les choses en face et, pourquoi pas, de prendre une trajectoire inexplorée, d’affronter ce qui fait peur, de larguer les amarres.
Élisabeth quitte précipitamment une réunion de famille pour aller acheter du wasabi, ‘Ma trottine le long d’une grand-route avec Benny, Jonas est sous l’emprise de son chat, Alice choisit d’enfoncer ses talons aiguilles dans la neige, Samy cherche quelqu’un à qui parler, un jeune professeur de français défend un projet théâtre face à un conseil de classe… Tour à tour, ces personnages prennent la parole, à leur manière, l’occasion de murmurer une vérité qui jamais n’a été dite.
Par l’auteur de Si tu passes la rivière, Prix Rossel 2011 et Prix des Cinq Continents de la Francophonie 2012
Disponible chez votre libraire à la mi-février
Les premières lignes
«J’ai oublié le wasabi.» C’est ça que je leur ai dit : «J’ai oublié le wasabi, je cours chez le Japonais du coin de la rue et je reviens.» Ma mère a froncé les sourcils, «Tu es d’une distraction, Élisabeth, franchement.» «Je sais, je ne serai jamais bonne à marier, M’man. Bon, si vous mourez de faim, vous n’avez qu’à ouvrir le frigo, les zakouskis vous attendent sur la deuxième planche, pour les curieux, le gâteau est dans le bac à légumes.» Jean-Paul a souri. Et j’ai tourné les talons.
Évidemment que je l’avais acheté, le wasabi. Je pouvais vraiment leur faire gober n’importe quoi. Le wasabi, c’est ce qui me réveillait mieux que le café le matin et me tirait de l’abrutissement le soir. Seulement, ce jour-là, alors que depuis un mois je m’étais préparée à l’idée de cette soirée, « Ça peut être agréable, une famille », à l’image de ma mère déballant son cadeau d’anniversaire, à ses remarques cinglantes « Encore un livre, c’est original », au regard adipeux de Victor, le beau-père, toujours prêt à promener ses mains sur ma nuque et mes épaules « Détends-toi, Élisabeth, tu es si tendue », au sourire triomphant de ma sœur « Je ne me suis jamais sentie mieux qu’enceinte » et à la mine fatiguée de Jean-Paul, le beau-frère, quand je les ai vus arriver sur le palier, s’embrasser, se réjouir de cette soirée, parler de leurs vacances, du bébé, j’ai su tout à coup qu’il me faudrait prendre l’air, sortir quelques minutes, sous n’importe quel prétexte. Et le wasabi est le premier que j’ai trouvé.