Le jour est aussi une colère blanche – Éric Brucher

Il y a des tagueurs, des apprentis djihadistes, des skateurs, des slameurs (une slameuse), des clameurs (une clameuse), des potagistes, des prophètes (un prophète), des calligraphes, des taulards (un), des laveurs de vitres (un aussi). Tous à leur manière des révoltés, porteurs d’énergie pour vivre et sortir des enfermements. Un chant choral habité d’espoir – parfois fugace ou vain, parfois grandiose et magnifique. Ou comme une sédition tonique et poétique : chercher l’invention d’une langue neuve, parole pour exister et dire ce que portent les cœurs.
Des nouvelles urbaines, emplies de vitalité, de fureur et de lumière.

Romancier et chroniqueur littéraire, Éric Brucher organise aussi des rencontres d’auteurs. Son écriture de réalisme poétique est souvent habitée d’un goût pour l’absolu et nourrie de grands mythes. Son deuxième roman Colombe a reçu le Prix Sander Pierron de l’Académie royale de Belgique et a été finaliste du Prix Horizon du Deuxième roman. Il s’adonne ici avec joie à un art de la nouvelle qu’il renouvelle de manière très moderne et dans une langue musicale.
En librairie le 15 septembre 2017

Les premières lignes
I l y a ce gang dans la ville. Wolf en est, avec Laszlo, Parker, Hichie, Ginger, Markus, Zacharie. Ils vont seuls dans les rues noires grapher leur colère sur les murs de la nuit.
Le gang des loups, disent-ils. À cause de son nom, à Wolf – Wolfgang. Des parents qui avaient rêvé pour leur fils un génie musical. L’inscrire sous de bienfaisants auspices, l’inspiration heureuse d’une figure tutélaire. Mozart a lui aussi ce zed au cœur de son nom, et ça le vrille – c’est ce que dit Zacharie, ce que disait Laszlo.
Notre Wolfgang, c’est une autre musique.
Dans son nom résonne un autre son, une autre sauvagerie. Wolf – cet aboiement qui hulule – wolf wolf wolf wolf !
Il ne sera jamais de la race grégaire. Ne sera pas un agneau – ou comme ceux que l’on sacrifie dans les quartiers pour l’Aïd. Lui, c’est un loup. De race famélique et indocile, avec dans les pupilles l’incandescence de braises insoumises.
Wolf est poète, et maudit peut-être même – rapport à son génie tutélaire. Il a écrit ceci sur le mur de ciment d’une rue dans la ville : le jour est aussi une colère blanche.

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