Un endroit d’où partir | 2. Une vierge et une cuillère en bois – Aurelia Jane Lee

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On retrouve dans Une vierge et une cuillère en bois Juan Esperanza Mercedes de Santa María de los Siete Dolores à l’âge de vingt et un ans. Peintre abstinent, amant impénitent, chercheur solitaire, homme-arbre dont le bois semble craquer de toutes parts, il poursuit sa route, tentant de remonter aux origines de son existence.
La vie l’entraînera une fois encore, à travers d’improbables détours, vers de nouvelles amours et des horizons artistiques insoupçonnés, pendant que Don Isaac, Clara Luz, Remedios et tous ceux qui l’ont aimé se laisseront, eux aussi, surprendre par le destin. Car les êtres qui croisent la route de cet orphelin en ressortent à jamais transformés et libérés.

Aurelia Jane Lee (1984) possède un master en communication et a également étudié la philosophie. Elle vit et travaille à Bruxelles. Elle s’est fait connaître en 2006 avec un premier roman intitulé Dans ses petits papiers, salué par la critique.
Un endroit d’où partir, sa saga en plusieurs volumes, dévoile une nouvelle facette de son imagination et entraîne le lecteur au cœur d’une Amérique latine fantasmée.
En librairie le 7 octobre 2016

Les premières lignes
Près de quatre mois s’étaient écoulés depuis que Juan avait frappé à la porte du couvent de Nuestra Señora de la Inmaculada Concepción, lorsqu’il en sortit pour la première fois, chargé de provisions soigneusement préparées par la sœur Dulce et qui devaient lui permettre de ne pas revenir avant trois ou quatre jours. Il trouva ce qu’il cherchait dans un village distant de quelques kilomètres, chez divers artisans. En empruntant chez les uns et chez les autres, il finit par rassembler tous les outils nécessaires ; il promit de tout rapporter et nota donc ce qu’il avait pris à chacun, ainsi qu’où se situaient leur maison ou leur atelier. Sur la route du retour, il trouva le dernier élément qui lui manquait, lequel le ralentit fortement dans sa marche : un rondin long de près d’un mètre cinquante qu’il fit rouler devant lui, jusqu’à l’entrée du couvent.
Il réintégra alors sa cellule et se mit avec ardeur à écorcer, équarrir, tailler, raboter, limer, comme il avait appris à le faire auprès des artistes de la caravane, quand il confectionnait des objets religieux pour un peu mieux gagner sa vie. Il n’avait jamais travaillé sur une aussi grosse pièce et, dans les premiers jours, il s’inquiéta beaucoup à l’idée d’enlever trop de matière. Avec le bois, on ne pouvait pas revenir en arrière, recoller les morceaux, remodeler : il fallait tricher ou recommencer à zéro, avec un nouveau rondin. Il progressa donc lentement, avec circonspection, s’adonnant à de savants calculs que lui avait enseignés Don Isaac, traçant des repères, y réfléchissant même la nuit. Il ne sentait plus ses mains le soir venu, quand il se couchait enfin, mais la silhouette commençait à prendre forme. Les sœurs, qui se relayaient pour déposer la nourriture, l’eau et le savon, ne passaient chacune que tous les trois ou quatre jours, et elles découvraient d’une fois à l’autre l’esquisse à un stade nettement plus avancé. Elles en parlaient entre elles. Il n’y eut très vite plus de doute : elles assistaient à la naissance d’une Vierge.

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