Enfin seuls ? – Patrick Dupuis

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Certains l’ignorent, d’autres en rient. Elle est subie, acceptée, recherchée, quittée avec joie ou à contrecœur… Dans son quatrième recueil de nouvelles, Patrick Dupuis explore, par petites touches tristes, drôles ou émouvantes, les multiples facettes de la solitude.

Patrick Dupuis est passionné par la nouvelle, à la fois comme lecteur, comme éditeur (chez Quadrature) et comme auteur. Il nous offre ici son quatrième recueil de nouvelles (le troisième chez Luce Wilquin après Nuageux à serein et Passés imparfaits). En 2013, il a reçu, pour Passés imparfaits, le prix Place aux Nouvelles attribué lors du salon de Lauzerte, manifestation qui, toutes proportions gardées, est à la nouvelle ce qu’Angoulême est à la bande dessinée, dans la mesure où une pléiade de nouvellistes francophones se rassemblent à cette occasion.

En librairie le 13 mai

Les premières lignes
Je venais d’ouvrir. Deux tables étaient occupées, l’une par un vieux couple qui passait tous les matins prendre un café et l’autre par deux amoureux qui se regardaient dans le blanc des yeux au point d’en oublier de boire leur limonade. À part ces quatre clients, le bar était vide. Il faisait frais, le ciel était gris, et je n’avais pas installé la terrasse.
Il est entré sans faire de bruit, a regardé autour de lui et a choisi une table dans le fond. Un homme entre deux âges au costume de bonne coupe et avec une tête à laisser un pourboire. Il s’est assis sur la banquette, a retiré l’écharpe de laine rouge qui lui tournait autour du cou et l’a placée devant lui. De loin, il m’a commandé une bière. Un homme poli qui avait ajouté un gentil « S’il vous plaît » et un sourire. Il avait les yeux bleus.
Je lui ai apporté sa consommation, il m’a remerciée, a trempé ses lèvres dans la mousse blanche… Et puis rien. Il est resté immobile une bonne heure, assis devant sa bière qui tiédissait et perdait sa mousse. De temps en temps, il triturait son écharpe. Son regard revenait régulièrement vers l’entrée du café ; il semblait attendre quelqu’un.
Des gens sont arrivés, des habitués. C’était Françoise par-ci, Françoise par-là. Je servais, j’encaissais la monnaie, je répondais aux plaisanteries grasses des hommes accoudés au comptoir.
J’avais oublié l’inconnu.

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