Jacques Lefèbvre – Berger de pierres

Après «Chambre 404» et «Comme un veilleur» (Prix Gauchez-Philippot 1998), romans sur les rapports entre l’art et l’amour, Jacques Lefèbvre, dans «Berger de pierres», rapproche pour les comparer de manière impertinente le monde universitaire et la Drôme provençale.

Le curriculum vitae placé au début du roman intrigue. Cette succession de dates, de diplômes et d’états de service ne dit pas qui est Martin Sténier. Tout au plus laisse-t-elle entrevoir qu’il s’agit d’un universitaire atypique gérant curieusement sa carrière. Sa vie et sa personne sont telles, en effet, qu’il faut les évoquer de manière non chronologique, mais musicale, laissant les thèmes s’appeler et d’entrelacer pour dessiner un sens. Ainsi vous voyagerez dans l’existence de Martin Sténier, de la même manière qu’il a sillonné le monde. Vous saurez comment et pourquoi il s’est fait, peu à peu, géode pathétique, au coeur constellé de secrets.

Les premières lignes
Séoul, Université, 10 août 1988 La tension artérielle de Kim Park, chef du département de géologie à la Faculté des Sciences de Séoul, vient de monter de deux points. Un de ses assistants, Seok, a installé, sur l’ordinateur du service, un logiciel d’une efficacité spectaculaire, mais qui bloque la machine après dix minutes de fonctionnement anarchique. Il faudrait «défragmenter» le disque dur, suppose Kim Park, et il entame l’opération. Chiffres et noms de codes défilent à toute allure sur l’écran, puis amorcent un léger mouvement giratoire, signe d’un début de vertige. Le télécopieur clignote. Qui peut bien appeler? À cette heure, les bureaux sont fermés. Si Sandra Lee travaille encore dans la pièce voisine, c’est parce qu’elle sait que son patron, Kim Park, quand il est en plein malaise informatique, a besoin d’elle. Elle ne l’aidera pas en posant sur le clavier de l’ordinateur ses ongles félins, impeccablement laqués; mais elle jouera son rôle apaisant de geisha. Le télécopieur déroule un mètre de papier.

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